Riad Sattouf, vaccin et Turquie

Le 8 janvier 2021

Ce matin, longue marche à la fraîche par -3°c. Une manière d’éprouver mon nouveau manteau présumé chaud – c’est écrit dessus, c’est un vêtement pour la « face nord », peut-être le plus chaud que j’aie jamais porté, car en me sudisant je suis devenu frileux. J’avais observé que certaines équipes de foot portaient ce genre de manteaux en hiver sur les bancs de touche. Or, si vous avez déjà fait du foot, vous savez qu’au bord du terrain en hiver sans bouger, ça caille ! Sur le site de la marque, on peut même lire « Nous avons aidé les explorateurs à atteindre les plus hauts sommets de l’Himalaya. » C’est exactement ce qu’il me fallait ! Ce matin, cet équipement m’a permis d’atteindre le centre-ville d’Aix. Sept kilomètres et deux cents mètres de dénivelé, ma carrière d’alpiniste commence modestement. Le but de ma promenade : trouver le troisième volet de L’Arabe du Futur, la bande dessinée à succès de Riad Sattouf dont je suis devenu un véritable fan. Parce que l’auteur, de mère française et de père syrien, raconte sa jeunesse en Libye, en France mais surtout en Syrie, et on se prend dans la figure le contraste entre la vie française et la vie là-bas, vu par un enfant d’une dizaine d’années. C’est très concret et assez différent des documentaires que l’on peut voir et qui s’attachent surtout aux aspects géopolitiques ou économiques. Ici, c’est du quotidien. Il est question de l’éducation des enfants, la dictature et sa propagande, la corruption, le rapport à la violence, la haine des juifs entretenue dès le plus jeune âge, l’absence de biens de consommations courants, etc… Tout est hallucinant dans cette bande dessinée, racontée de façon simple, drôle et tendre. Il me tarde d’entamer ce troisième épisode qui en compte cinq, et dont le sixième est en cours d’écriture.

Parce qu’on ne peut pas complètement échapper à l’actualité du covid, vous savez qu’on vient de passer un cap important dans la lutte contre cette saleté qui s’est abattue sur le monde comme la vérole sur le bas clergé (il faudra penser à changer cette expression obsolète). Depuis hier en France, on vaccine plus de patients que le virus lui-même. Je m’explique : vu qu’on détecte chaque jour environ 14.000 nouveaux cas, tant qu’on ne vaccine pas au moins le même nombre de personnes au quotidien, ça veut dire que jusqu’ici le virus est plus efficace que nous pour nous immuniser ! Or, hier, nous aurions selon « Notre Pompidou Cassoulet » – il paraît que c’est son surnom – nous aurions vacciné 26.000 personnes. Voilà donc un changement positif. C’est vrai que le démarrage de la vaccination en France a été poussif, risible même. Mais cette fois-ci, c’est promis, nos politiques nous le jurent, les yeux dans les yeux, la main sur le coeur, quoiqu’il en coûte, vous allez voir ce que vous allez voir ! Si vous voulez quand même vérifier par vous-mêmes, vous avez, sur le site indépendant CovidTracker une page intitulée VaccinTracker qui recense quotidiennement le nombre de vaccinés français, les doses commandées, les vaccins autorisés dans notre pays, etc… Très bien fait.

Et puis parce qu’il faut lire de temps en temps des choses sérieuses et s’intéresser à la marche du monde, j’ai entamé un ouvrage d’importance très documenté et récent sur la Turquie, qui s’appelle Le Sabre et le Turban, sous-titré Jusqu’où ira la Turquie, écrit par l’essayiste Jean-François Colosimo. C’est un ouvrage très instructif sur l’histoire de ce pays aux confins des civilisations, et sur la stratégie de son dirigeant actuel Recep Tayyip Erdogan, que l’auteur compare à Mustapha Kémal Atatürk, le père de la République de Turquie. On y parle du génocide des arméniens entre 1915 et 1916 qui a fait environ 1.600.000 morts et que l’auteur voit comme un acte fondateur d’une véritable stratégie de conquête et de purification du pays, toujours en cours à l’heure actuelle, raison pour laquelle ce génocide n’est pas près d’être reconnu comme tel par les autorités turques même un siècle plus tard. Un certain nombre d’exactions sont par ailleurs listées envers d’autres minorités. Erdogan rêve finalement de reformer l’empire Ottoman, d’où ses nombreuses actions militaires ou diplomatiques sur des terrains d’actions extérieurs, en Syrie, en Libye, auprès de l’Union Européenne, l’OTAN, et le tout dernier en date le soutien à l’Azerbaïdjan dans la guerre du Haut-Karabagh contre l’Arménie. La question est de savoir jusqu’où la communauté internationale va-t-elle laisser faire Erdogan dans sa vision agressive, autocratique, nationaliste, islamiste, anti-occidentale. Une lecture inquiétante et d’utilité publique.