Je suis le roseau

Le 12 janvier 2021

L’éducation des enfants est un art complexe et imparfait, il faut se garder d’écouter les donneurs de leçons. Je vais éviter ici d’en être un. Je crois que la plupart des parents sont bien intentionnés, essaient de faire au mieux pour leur progéniture, ou le moins mal possible.

Prenons le sujet de l’école. J’en parlais l’autre jour avec un ami d’enfance. On se donnait des nouvelles de nos filles. J’en ai une, lui trois, cela mérite au minimum écoute, considération, et même un peu d’admiration parce que trois filles en cinq ans, ça vous ferait voler en éclat plus d’un couple. Là, même pas ! C’en est presque déconcertant. Je me suis rendu compte au fil de la discussion qui portait sur la scolarité de nos filles chéries que nous n’étions pas sur le même registre. Moi classiquement sur la question de la réussite scolaire, tandis que lui me parlait de l’épanouissement de ses filles à l’école, leur volonté de bien faire, leur goût de la découverte… En raccrochant, je me suis dit que j’étais un grand con ! Que c’est lui qui a raison, que je me prends trop la tête avec les notes de ma fille, qui ne sont ni une garantie de réussite professionnelle et encore moins une assurance d’être heureux dans la vie. J’avais beau savoir que la réussite d’un enfant, c’est avant tout sa joie de vivre, sa capacité à créer du lien avec les autres, son développement serein, plus que les notes qui ne sont que le simple reflet d’une acquisition de connaissances. Parce que nous sommes tous formatés comme cela. Nous voyons la scolarité surtout comme une addition d’années multipliées par des matières, multipliées par des notes. On a tous appris ça, parce que nos profs travaillaient pour les notes plus que pour nous donner le goût de leur art (à quelques exceptions près, ne généralisons pas), et parce que les profs de nos profs oeuvraient eux-mêmes pareillement. Et pourtant, cet état d’esprit de compétition n’est même pas le prix à payer pour garantir un bagage solide à nos enfants quand on constate la baisse de niveau drastique depuis quelques décennies…

L’autre soir, on a regardé Nos Jours Heureux, une comédie drôle – ce n’est pas un pléonasme – qui raconte l’histoire d’une joyeuse colonie de vacances dans les années 80, avec un directeur un peu dépassé par les événements, incarné par l’excellent Jean-Paul Rouve, avec également Omar Sy et Marilou Berry en animateurs de colo respectivement exubérant et incompétent donc comiques. Ce film qui avait connu un grand succès populaire à sa sortie en 2006 m’a fait autant rire qu’en salle cette année-là. Au-delà des situations hilarantes, le personnage de Jean-Paul Rouve est assez remarquable par sa résilience, terme à la mode en ce moment. Il lui arrive tout ce qui peut arriver de pire à un directeur de centre de vacances, mais à chaque fois, il reste zen, et c’est le seul adulte qui ne pète pas les plombs dans ce film. Je ne sais pas comment il fait, c’est peut-être un caprice du scénariste.

J’ai pensé que ce personnage aurait pu méditer avec l’application Petit Bambou, qui lui aurait murmuré à l’oreille, comme à moi hier, d’être le roseau qui plie devant l’adversité mais qui ne rompt pas. Renonçons à être des chênes pour ne pas être déracinés par la bourrasque. Soyons roseaux, amortissons les chocs, acceptons l’obstacle, soyons flexibles.
Maintenant, à chaque fois qu’une petite contrariété m’affecte dans la vie, je ferme doucement les yeux, mes pouces rejoignent mes index, et pendant 7 secondes, je répète lentement en inspirant puis expirant longuement et calmement :
– je suis le roseau
– je suis le roseau
– je suis le roseau

Demain, j’ai rendez-vous chez la psychologue, une grande première. Hâte d’y être. Aura-t-elle un divan jaune comme Henri Chapier ? Je vous raconterai peut-être, ça pourrait être drôle, enfin j’espère ! Pourvu que je ne finisse pas à Sainte-Anne comme Emmanuel Carrère, je ne suis pas prêt à tout, même pour écrire à un best seller. Remarquez, au prix de la séance, si ça peut au moins servir d’inspiration pour ce blog, pourquoi s’en priver ? C’est mon côté économe auvergnat.

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