J’ai 46 ans. Je suis né le 19 septembre 1973. C’était un mercredi. Je le sais parce qu’on me l’a dit. Et parce qu’un jour, j’avais voulu vérifier. Alors j’avais ouvert le calendrier de Windows et effectué un voyage-éclair de quelques décennies dans le passé, et j’avais pu constater qu’en 1973, le 19 septembre tombait effectivement un mercredi. Ca me rappelle un problème d’algorithmie qu’on nous avait donné à résoudre en première année d’informatique, j’étais alors étudiant au Puy-en-Velay, et encore loin d’avoir atteint la moitié de mon âge actuel. Duguez, notre prof d’algo, ingénieur informatique à l’ancienne, nous impressionnait par sa vivacité d’esprit, et parce qu’il avait connu l’époque des cartes perforées et des gros ordinateurs qui occupaient des salles entières. Ce jour-là, il nous avait donné un problème pas inintéressant : programmer en Pascal une routine qui, à partir d’une date donnée, devait nous donner le jour de la semaine correspondant. L’énoncé nous faisait grâce des bizarreries de l’histoire, avant l’instauration du calendrier grégorien, notamment la décision de passer directement du 4 au 15 octobre 1582, pour rattraper un décalage accumulé au cours des siècles précédents à cause d’un excès d’années bissextiles… On a de la peine à imaginer les conséquences si ça se reproduisait aujourd’hui. Déjà qu’on est perturbé par deux décalages d’une heure à chaque hiver, et qu’on avait bien cru à la fin du monde à cause du supposé bug de l’an 2000. Là, on parle carrément de dix jours qui n’ont jamais existé. Je me demande si des auteurs se sont déjà emparés de ce sujet pour écrire ce qui s’est passé, ou aurait pu se produire, pendant cette sorte de faille spatio-temporelle. Le thème serait en tous cas prometteur en pleine Renaissance.

Mais revenons à notre problème. Pas de difficulté insurmontable pour trouver le jour de la semaine d’une date. Le plus simple était de partir d’une date connue – le 09 novembre 2019 est un samedi – et faire défiler les jours, les mois et les années jusqu’à arriver à la date souhaitée, en faisant attention à la règle bizarre des années bissextiles. C’était laborieux, ni élégant ni économe en ressources mais ça marchait. On avait cependant trouvé mieux, par hasard. Mon binôme qui feuilletait un bouquin sur le GFA Basic avait trouvé un programme qui faisait à peu près ce qu’on souhaitait, en utilisant une mystérieuse formule, à laquelle nous n’avions à peu près rien compris. On avait testé, ça marchait, on n’aurait pas vraiment su expliquer pourquoi, mais le résultat était juste. Cette méthode était très rapide, particulièrement élégante car elle tenait sur une seule ligne. On a donc utilisé cette formule magique, un peu bêtement. Je m’attendais à ce que Duguez nous demande d’expliquer la formule, voire nous accuse de paresse. En fait non, contrairement à toute attente, on avait eu la note maximum. J’ai tiré une excellente leçon de cette expérience. En informatique, la paresse n’est pas un défaut, il vaut parfois mieux passer un peu de temps à rechercher une solution que d’autres ont déjà trouvée plutôt que de vouloir réinventer la roue, même si c’est moins valorisant pour l’ego.

Un week-end, à peu près à la même période, en fouillant dans le grenier de mes parents sans doute pour chercher un objet que je pensais y avoir entreposé, j’ouvrai une petite valise noire. Vide. Enfin, pas tout à fait vide. Dans un coin poussiéreux, je remarquai un minuscule bout de papier froissé. J’aurais pu n’y prêter aucune attention, mais par curiosité, je saisis ce lambeau. C’était un extrait du journal La Montagne qui avait été déchiré à la main. La couleur du papier, jauni, ne laissait pas de doute sur son ancienneté. J’ignore comment ce parchemin avait atterri là, ni par quel miracle il avait été conservé pendant près de 20 ans. Depuis lors, je conserve pieusement cette relique dans mon porte-feuille.