Les tifs, les roues et les archives

Le 16 mai 2020

Ce matin était un jour important, comme pour tous les chevelus empêchés de se rendre chez leur coiffeuse depuis le mois de mars. J’ai testé pour l’occasion, pour la première fois, un masque KN95, la norme chinoise équivalente au FFP2 européen, même si habituellement ma coiffeuse me contamine uniquement par son humeur joyeuse et communicative. Louées soient les coiffeuses ! J’ai demandé à la mienne une coupe assez courte, une taille estivale calibrée pour le mois de juin, mais aussi en prévision d’un possible reconfinement que la prudence nous interdit d’écarter complètement.

Avant-hier, se sont produits deux événements notables dans ma petite vie monotone et sans intérêt. D’abord, Nono a eu un accident. Il a perdu une roue. On l’a retrouvée au milieu du pré. En cherchant, j’ai retrouvé son corps bancal un décamètre plus loin, misérablement échoué entre un noisetier nain et la rhubarbe. Ce genre d’accident est assez rare dans la vie d’un robot-tondeuse. C’est arrivé en plein milieu de la haute saison pour la pousse de la pelouse. Je ne crois pas à un hasard. C’est comme une grève-surprise de la CGT la veille des grandes vacances…

Le même jour, en me mettant au volant de la C4, Myriam me signale que mon pneu arrière-droit est à plat. « Un clou » m’a montré le réparateur. Temps de recherche de panne : environ une demi-seconde, le temps qu’il a fallu au garagiste pour faire un quart de rotation dans la paume de sa main.
Les crevaisons sont étranges. Leur fréquence est subtile. Mais peut-être ai-je trouvé une logique. J’ai crevé en 1992, puis plus jamais en 20 ans, puis 3 fois en 2 ans, avec une fréquence de plus en plus rapprochée… Plus ça va et plus je crève souvent, en suivant une sorte de courbe exponentielle. D’après mes calculs, si ça continue, d’ici une semaine, je vais crever tous les jours, puis toutes les heures, et bientôt le mécanicien n’aura plus le temps de remonter la roue qu’il faudra déjà la changer pour cause de nouveau percement.
Ne vous moquez pas, c’est comme ça que fonctionnent la plupart des prévisionnistes : d’après les statistiques des événements du passé, en essayant de trouver un modèle pour l’avenir. C’est comme ça que d’éminents spécialistes prévoient des modèles pour le covid depuis des mois, et se trompent régulièrement. Et voilà, j’avais dit que je ne parlerais pas du covid aujourd’hui, mais c’est plus fort que moi.

Concluons par une nouvelle anecdote passionnante. Hier, j’ai voulu débarrasser la maison de toutes les archives de Testadaz, ce site de web de vente de produits auvergnats qui avait bien failli révolutionner le monde du commerce électronique et renvoyer Amazon et Jeff Bezos dans leur garage de Seattle. J’avais dû garder ces archives pendant 10 ans. C’est la loi, « dura lex sed lex » comme on dit chez les fabricants de vaisselle. Tout ce fatras était caché sous l’escalier de l’entrée. Le temps d’extraire les cartons à quatre pattes, puis de charger péniblement la C4 qui n’avait pas encore crevé ce jour-là. Des dizaines de cartons d’archives. Peut-être un mètre cube de papiers, de factures, de formulaires, de pochettes et de reçus d’expédition. Je me suis demandé comment on avait pu produire autant d’archives avec aussi peu de chiffre d’affaires. A Jeuxvideo.com, on n’imprimait guère qu’une ou deux factures par mois, mais pour des montants à cinq ou six chiffres. Le monde du business est étrange.
Une fois la voiture pleine, direction la déchetterie des Quatre Chemins, où un fonctionnaire équipé pour des attaques bactériologiques et chimiques me demande si j’ai pris rendez-vous. Quoi ?
Retour à la maison, la voiture remplie de déchets, et jamais aussi près de la prochaine crevaison. J’appelle alors la dynamique administration qui s’occupe de la prise des rendez-vous. J’ai au bout du fil le sosie vocal de Régis Laspalès qui me dit que tout est plein jusqu’au 26 mai. J’ai senti qu’il éprouvait un certain plaisir à me dire ça. Onze jours d’attente pour accéder à une déchetterie, j’ai décliné l’offre.
Alors, j’ai abandonné mes résolutions écologiques pour quelques heures. Le soir venu, j’ai hésité à reprendre la C4 pour aller benner mon chargement devant le portail de la déchetterie, histoire de faire les pieds à Laspalès. Puis je me suis repris : il y a mon nom sur quasiment toutes les feuilles de ces archives. Cet éclair de lucidité m’a conduit à préférer déverser ces vieux papiers périmés par petites quantités dans une douzaine de containers de ville. Et voilà le travail !
Je pourrai en tirer la conclusion d’une faillite des services publics – y compris localement – pendant cette crise sanitaire. Mais il vaudrait mieux consacrer un article complet à ce sujet trop inspirant pour être expédié en deux ou trois phrases.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  1. Éric RÉGIS

    le 16 mai 2020

    Ma coiffeuse à pris l’initiative de me couper plus court que d’habitude de peur d’un reconfinement : « Vous aurez la paix pendant deux ou trois mois ! » me dit-elle. Je me retrouve donc avec une coupe digne de mes débuts dans l’armée. Quand on rentre dans son salon, on a l’impression de rentrer à l’hôpital. Au moindre geste, elle désinfecte à la javel comme une forcenée. Son agenda est plein comme un oeuf jusqu’au 10 juin. Bref c’est la galère, mais elle garde le moral et comme la tienne elle nous contamine plutot par son humeur joyeuse et communicative à défaut de nous contaminer avec ce fichu virus ! Et je ne parle pas de son look ! Une vraie cosmonaute prêt à décoller pour une autre planète !

  2. lightman

    le 17 mai 2020

    Je vois que ta coiffeuse ressemble un peu à la mienne, elle ne se laisse pas démoraliser par ce fichu virus.