Les chemises extra slim fit

Le 13 octobre 2019

Vous vous souvenez de la vieille pub télévisée pour Sport-Elec dans les années 90 ? Dans laquelle Lova Moor, l’ancienne meneuse de revue du Crazy Horse, faisait la promo d’un dispositif électrique aux vertus non pas aphrodisiaques comme on aurait pu l’espérer, mais amaigrissantes. La démonstration était saisissante, le biceps était turgescent, la fesse galbée et frémissante, les abdos chocolatés et bourdonnants. Une vraie machine à muscler. On avait quand même bien rigolé. Parce que la trajectoire de Lova Moor, du strip-tease de luxe à la réclame low-cost avait de quoi surprendre. Elle qui, quelques temps auparavant, avait fait l’événement en direct, dans une émission en prime time, lorsqu’elle avait demandé à Jean-Pierre Foucault de toucher sa généreuse poitrine pour prouver que ses seins n’étaient pas refaits. Lui, avait eu cette phrase qui passera à la postérité : « Oui, je le confirme : ils ne sont pas durs ». Grand moment de télévision.
La pub avait pourtant eu son effet, et la ménagère de moins de 50 ans s’était mise à utiliser Sport-Elec en cuisant le clafoutis, tandis que Monsieur faisait de même en regardant Téléfoot le dimanche matin.

Dix ans plus tard, les statistiques étaient formelles : les français avaient tellement utilisé Sport-Elec que la population dans son ensemble avait significativement minci. Et ce en dépit des tentatives désespérées de Mc Donald’s pour contrer cette lame de fond de baisse pondérale qui menaçait de ruiner son business « fat fast ». Du coup, les fabricants textiles avaient dû revoir leur copie, et adapter les coupes de leurs vêtements à la nouvelle morphologie française. C’est comme ça que furent inventées les chemises « slim fit », ou en bon français, à coupe ajustée.
La chemise slim fit magnifie le jeune svelte imberbe, et a contrario, signe le déclin du quinqua bedonnant. C’est aussi une difficulté majeure pour les bimbos à forte poitrine, dans un juste retour de bâton contre la promotrice de Sport-Elec qui aurait eu bien du mal à boutonner cette nouvelle coupe seyante.

Au printemps dernier, j’ai vu qu’on avait franchi un nouveau palier. En prévision de la communion de Jade, j’avais acheté un beau costume bleu nuit, et forcément une chemise assortie. La vendeuse, fort aimable et compétente m’avait conseillé une chemise blanche de marque allemande, de belle qualité, et avait insisté de façon très diplomatique pour que je prenne une coupe bien ajustée. Elle avait été claire, pour ma morphologie, il me fallait absolument une « extra slim fit ». Une sorte de slim fit encore plus slim. On avait donc créé une nouvelle taille en rajoutant un préfixe, comme on creuse un nouveau trou à une ceinture trop lâche.
A la communion, j’ai fait fureur. Certes au cours du repas, je me suis rendu compte que ma chemise était vraiment très ajustée. Si on avait dû se lever pour évacuer le restaurant d’urgence, j’aurais probablement dû courir les bras le long du corps, tant ils semblaient coincés dans leur armure germanique. Et c’est en pensant à cette image que – comme le chantait Plastic Bertrand – j’ai eu un flash. J’ai revu le personnage de Hulk dans la vieille série télé américaine. Hulk était un type sympa, mais il ne fallait pas l’énerver, il était un peu soupe au lait. A la moindre embrouille, il piquait une colère verte, il se transformait en géant musculeux, et immanquablement il craquait sa chemise. La série compte 79 épisodes, et il y eut 79 chemises réduites en lambeaux, le rêve de tout vendeur de prêt-à-porter. Je me voyais bien en Hulk dans ma chemise cintrée qui fatalement gênait un peu aux entournures, et ne manquerait pas de se déchirer au moindre coup de sang. Je m’imaginais déjà détruire complètement la salle et terrifier tous les convives. Mais il me fallait un prétexte, Hulk ne se réveillait jamais gratuitement. La plus petite contrariété ferait l’affaire. Un vin un peu bouchonné, un morceau de pain légèrement rousti, ou mieux : un poil de cul dans la vinaigrette.
C’est à ce moment que Tante Kiki m’avait félicité pour mon costume, en ajoutant perfidement qu’ainsi je ressemblais à Emmanuel Macron. Il est vrai que le président est habillé assez classe, Brigitte étant sans doute de bon conseil. Je me console en me disant qu’il vaut mieux être comparé au locataire actuel de l’Elysée qu’à ses prédécesseurs. Surtout quand je repense à Chirac qui avait une façon bien à lui de remonter son pantalon sous les bras, comme Hardy dans le célèbre duo comique en noir et blanc…

Reste un problème maintenant. Depuis que je sais que je chausse une pointure « extra slim fit », je suis bon pour mettre sur LeBonCoin mes vieilles chemises en coupe confort. Sauf si j’attends de grossir un peu, la cinquantaine bedonnante n’est plus si loin…

Commentaires

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  1. JÉRÔME DASPIC

    le 13 octobre 2019

    Inversement proportionnel à toi cher Sébastien, j’ai abandonné hier même l’achat de slim fit à mon grand désespoir. La cinquantaine bedonnants est arrivée avec un peu d’avance pour moi…

  2. lightman

    le 14 octobre 2019

    Si ça peut te rassurer, je n’ai pas vraiment minci moins non plus, c’est juste que j’ai fini par me rendre compte que j’ai toujours porté des chemises trop grandes ! 🙂