Le scrolling de Shadow of The Beast

Le 30 août 2020

Je sais que la quasi-totalité d’entre vous seront perplexes à la lecture de ce titre. Pour vous aider, apprenez que Shadow of the Beast est le nom d’un vieux jeu vidéo qui avait eu son heure de gloire sur un micro-ordinateur développé par Commodore qui s’appelait Amiga. « Micro Amiga : un ami dans l’informatique » disait le slogan publicitaire un peu niais à l’époque. Quant à un « scrolling », on pourrait traduire cet anglicisme par un bandeau défilant en français.

Le scrolling dans Shadow of the Beast, faisait défiler le paysage derrière le personnage. C’était plus qu’une prouesse technologique, un véritable don du ciel, un miracle laïc, un cadeau de la nature, une révolution au sens SteveJobsien. Bref, une merveille à inscrire au patrimoine mondial mémoriel des années 80, au même titre que la série Goldorak, la Ferrari F40, la trilogie d’Indiana Jones, et les seins de Samantha Fox.

Dans Shadow of The Beast, vous incarnez un héro un peu brut de décoffrage, sorte de loup-garou qui tabasse tout ce qu’il croise. La première scène s’ouvre sur un paysage qui défile selon un scrolling différentiel sur treize plans différents, du plus rapide au premier plan jusqu’au plan le plus lent tout au fond, donnant ainsi une impression de réalisme assez bluffante. Bluffante pour l’époque, hein, parce que je les vois venir les fans de PS4 pour se gausser de mes antiquités vidéoludiques. Surtout que le jeu était assez nul, au final. Mais comme de toutes façons, je n’achetais pas les jeux, je n’en voulais pas à Psygnosis d’avoir réalisé ces disquettes magnifiquement injouables. Ce que tout le monde se gardait bien de dire à l’époque pour ne pas écorner la légende.

Si je vous raconte ça, ce n’est pas juste pour vérifier que je n’ai pas encore Alzheimer, mais parce qu’hier devant la piscine, je me suis cru dans Shadow of The Beast. Je voyais les différents scrolling différentiels :
D’abord, la terrasse et la bordure en pierre de la piscine et ses blocs blancs parfaitement parallélépipédiques qui paraissent des trapèzes au centre du champ de vision, puis aux extrémités deviennent des parallélogrammes. Une histoire de point de fuite qu’on connaît depuis Léonard de Vinci si j’ai bien lu la bio de Walter Isaacson.
Au second plan, les petits carreaux de la piscine et son eau rendue frémissante par un mistral modéré.
Puis juste derrière, à nouveau la bordure opposée de la piscine, re-polygones déformés. Puis une pelouse citadine, traduisez, d’un mètre de large au bas mot.
Si vous suivez toujours, on arrive au 5ème ou 6ème plan, avec une haie périmétrique de cyprès de plus de trois mètres de haut, l’ancien propriétaire aimait bien les forteresses vertes.
Puis, derrière, on aperçoit le toit de la maison du voisin. Et ensuite, une haie immense d’une vingtaine de peupliers plantés à une centaine de mètres du lotissement. Très haut ces peupliers. J’ai vainement essayé d’estimer leur hauteur. Je me rappelle qu’on avait un truc à l’armée pour estimer l’éloignement d’un homme grâce au guidon du Famas. Du genre, si un homme d’environ deux mètres rentre dans le guidon, ça veut dire qu’il est situé au maximum à 200m et donc qu’il est à portée de tir… Les chiffres sont peut-être faux, mais vous voyez l’idée. Au fait, le Famas, c’est un fusil automatique et non pas un vélo (rapport au guidon, qu’on pourrait ici plus commodément appeler viseur)… Malheureusement, n’ayant pas d’arme de guerre sous la main, je n’ai donc pas pu réaliser le calcul avec ces peupliers dont je connais l’éloignement approximatif mais pas la hauteur.

Et voilà donc mon Shadow of The Beast provençal. J’ai remarqué qu’en marchant le long de la piscine, je percevais presque les 13 scrollings différentiels. C’est fou, non ?

Pendant ce temps là, l’auvergnat Julian Alaphilippe qui n’avait pas de Famas non plus mais un simple vélo a réussi à bien estimer la distance qui le séparait de la ligne d’arrivée de la seconde étape du Tour de France, en commençant son sprint à moins de 200m de la photo finish pour coiffer ses deux compagnons d’échappée et remporter l’étape du jour et par la même occasion endosser le maillot jaune. Du grand art.
Ca fait du bien de revoir la grande boucle, on nous a supprimé tellement de compétitions sportives que même la traditionnelle non-victoire française – la dernière, c’était Bernard Hinault en 1985 – me cause une grande joie. Certes, le cyclisme télévisé nuit à mon temps de lecture, mais on ne peut pas tout faire, il faut se fixer des priorités dans la vie.

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