La Grande Guerre dans sa violence inouïe
Je crois que j’ai toujours été plus ou moins fasciné par la Grande Guerre, comme incrédule devant cet effroyable épisode de notre Histoire vieux d’un siècle seulement. Lors des commémorations étant petit, je regardais toujours avec étonnement ces vieux poilus survivants qui arboraient fièrement leurs médailles et leurs drapeaux, même si j’avais pourtant peine à les imaginer jeunes soldats dans les tranchées de Verdun… Mon intérêt n’a fait que s’amplifier lorsque, plus récemment, mes travaux généalogiques m’ont amené à mettre un nom sur ceux de mes ancêtres qui avaient servi la France sous l’uniforme bleu horizon, parfois jusqu’au « sacrifice suprême » comme disent les politiques lors d’obsèques militaires. Mes quatre arrière-grands-pères en sont heureusement revenus, sinon je ne serais pas là pour en parler :
– Robert Pissavy, 1m70, cheveux châtains, yeux bleus, mobilisé de décembre 1914 à avril 1919, 105ème Régiment d’Infanterie
– Jean-Louis Gravegeat, 1m59, cheveux noirs, yeux marrons, mobilisé de novembre 1914 à mars 1919, 139ème Régiment d’Infanterie, blessé par un éclat d’obus en 1915, prisonnier de guerre en 1917
– Félix Chassang, 1m67, cheveux bruns, yeux gris, mobilisé d’août 1914 à juillet 1919, 30ème Régiment de Dragons, croix de guerre, une citation à l’ordre de la division.
– Jean-Baptiste Muret, 1m74, cheveux châtains, yeux gris, mobilisé d’août 1914 à mars 1919, 142ème Régiment d’Infanterie, croix de guerre, légion d’honneur, quatre citations dont celle-ci :
<< Officier pionnier dont l’activité et le grand courage sont d’un exemple constant pour ses hommes. Lors de l’attaque du 15-7-1918 et pendant les jours suivants jusqu’au 22, a avec son groupe assuré de jour et de nuit le ravitaillement en munitions des premières lignes sous les bombardements les plus violents et dans une atmosphère empoisonnée par les gaz.>>
A l’exception de Jean-Baptiste qui était le seul garçon de sa famille, les trois autres ont tous vu mourir un frère dans cette guerre, sans parler de très nombreux camarades, amis, voisins, cousins, connaissances…
Quelle effroyable boucherie ! Elle a endeuillé la France durablement. On a du mal à se rendre compte dans quelles proportions de nos jours. Pour vous donner une idée, à l’heure où l’on nous annonce près de 25.000 morts du covid-19 en deux mois, et où l’on a mis le pays à genoux économiquement pour réduire ce nombre au maximum, sachez que la Grande Guerre a vu mourir 27.000 poilus français dans la seule journée du 22 août 1914, la journée plus sanglante de cette guerre…
Tout cela pour vous amener à ma lecture du moment. J’ai terminé hier « Les Croix de Bois », roman de Roland Dorgelès écrit en 1919 et qui avait bien failli à l’époque ravir le prix Goncourt à Proust.
Ce livre est une grand claque. Jamais je n’avais ressenti dans une oeuvre, un roman ou un film, l’incroyable atrocité de la guerre, le déchaînement de violence, l’asservissement et l’accablement des hommes. Pour moi, c’est le plus grand roman historique que j’aie lu. Une lecture qui m’a marqué. Je comprends mieux désormais, pourquoi, le seul arrière-grand-père que j’aie connu – JB Muret – faisait encore des cauchemars remplis de souvenirs atroces des tranchées, plus de 60 ans après la fin de la guerre.
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