La Cour des Aides de Clermont
Les trompettes du roi. C’est le sujet de recherches – non académiques – que je me suis assigné il y a quelques mois, suivi pas une dizaine de généalogistes qui pour certains travaillent sur ce sujet depuis bien plus longtemps. Comme certains d’entre vous le savent peut-être, entre les XVIe et XVIIIe siècles, plusieurs dizaines d’individus natifs des paroisses d’Apchon, de Saint-Hippolyte, de Marchastel ou de Riom-es-Montagnes en Haute-Auvergne exerçaient la charge de trompette du roi. Certains faisaient partie de la grande écurie du roi de France, ils sonnaient pour les grands événements, pour les entrées royales, escortaient le roi dans ses nombreux déplacements, mais jouaient aussi pour l’agrément de la Cour. D’autres personnages ont pu être trompettes dans des unités de cavalerie de la maison militaire de sa majesté, et en particulier dans l’unité d’élite des gardes du corps du roi. En cas de conflit armé, lorsque les gardes du corps y étaient engagés, ces trompettes étaient chargés de sonner les signaux d’ordonnance à destination des troupes sur le champ de bataille. On peine à imaginer le risque que ces musiciens couraient lorsqu’ils tenaient d’une main les rênes de leur cheval, et de l’autre leur instrument en lieu et place d’une bonne épée ou d’un mousquet.
Au cours de ces recherches au long cours, qui consistent à identifier et documenter tous les trompettes du roi entre les XVIe et XVIIIe siècle, qu’ils soient auvergnats ou pas, la découverte de nouvelles sources est le nerf de la guerre. Récemment, on m’a mis sur la voie d’un document intéressant que je partage avec vous ici. Merci au passage à Martine Delbos et Isabelle Combes, généalogistes d’Aprogemere qui m’ont permis cette belle découverte.
Cette source est un livre publié en 1895 qui s’intitule La Cour des Aides de Montferrand & de Clermont : inventaire des enregistrements tenus par MM. de Champflour, de 1590 à 1763. Cet ouvrage reprend un catalogue des actes de la Cour des Aides de Clermont qui fut rédigé, sans doute au fil du temps, par la famille de Champflour, une dynastie d’officiers royaux et de magistrats clermontois. Sûrement conçu dans le but d’accélérer les recherches dans la trentaine de volumineux registres de la Cour des Aides, cet inventaire n’était donc au départ qu’une sorte d’index peu prolixe puisque, la plupart du temps, chaque acte est résumé en une seule phrase. Pourtant, il revêt aujourd’hui une importance toute autre dans la mesure où la totalité des registres de la Cour des Aides de Clermont ont disparu.
Si comme moi vous l’ignoriez, la Cour des Aides (ou Aydes) est un tribunal créé à Paris au XIVe siècle puis dans 12 villes du royaume : Aix, Montpellier, Rouen, Besançon, Grenoble, Metz, Pau, Rennes, Dijon, Bordeaux, Montbauban, et naturellement la Cour des Aides de Montferrand fondée en 1557 et qui deviendra plus tard Cour des Aides de Clermont. Ce tribunal était une cour d’appel qui avait compétence sur tous les sujets ayant trait à l’impôt : aides, taille, gabelle, octrois. Toutefois les impôts les plus récents comme le dixième, le vingtième et la capitation n’étaient pas de son champ de compétence. A la fin du XVIIIe siècle, la cour des aides de Clermont est l’une des quatre cours subsistant dans le royaume de France.
Cette cour traite aussi de la validité des titres de noblesse et des nominations ou successions de charges. L’intérêt de cet inventaire, c’est qu’il fait apparaître beaucoup de noms, avec parfois le nom du père, ou d’un frère. C’est donc une mine d’or potentielle pour un généalogiste qui recherche une filiation ou juste une preuve de vie d’un ancêtre noble ou bourgeois. Encore faut-il que cet ancêtre ait eu affaire à la Cour des Aides de Clermont, pour un contentieux ou pour une simple nomination.
Pour le sujet qui m’intéresse, voici par exemple ce que j’ai pu y trouver.
- 1634 : Lettres de vétéran pour Girard Rivet, trompette ordinaire du roi (p. 42)
- 1649 : Lettres de vétéran de François Pellissier, trompette de la grand écurie du roi (p. 66)
- 1656 : Lettres de vétéran accordées à Jean Roddes, l’un des trompettes de la grande écurie du roi (p. 77)
- 1677 : Lettres de vétéran en faveur de Guillaume Rodes, trompette du roi (p. 100)
- 1680 : Provis. Yves Rodde, trompette du Roy, au lieu de Guillaume Rodde (p. 103)
Si la succession de Guillaume Rodde m’était connue par d’autres sources, en revanche les lettres de vétérance fournissent une information inédite permettant de savoir que le sujet est plutôt en fin de carrière, avec une idée de son âge. Car ces lettres n’étaient accordées qu’à des officiers ayant servi fidèlement dans leur charge pendant au moins 25 années. Donc en pratique, un trompette du roi qui reçoit des lettres de vétéran a au moins 45 ans, souvent beaucoup plus.
La présence ici de certains trompettes, qui n’étaient pas nobles, peut s’expliquer par le fait que ces sujets étaient officiers de la maison du roi, et par conséquent bénéficiaires des privilèges des commensaux, dont celui d’être exempté de taille.
J’ai été intéressé par certains noms qui apparaissent au cours de la lecture : un certain Blaise Pascal qui succède en 1649 à son père comme conseiller en la Cour avant de céder sa charge quelques années après [MAJ 18/10/2022 : en réalité, ce Blaise Pascal n’est pas le célèbre philosophe et mathématicien, mais son oncle paternel, merci Rachel B. pour le correctif]. J’ai noté aussi la présence du cardinal Mazarin, en qualité de gouverneur et lieutenant général du roi ès pays du bas et haut Auvergne en 1659. La même année, sont émises des lettres de confirmation de privilèges en faveur des abbés doyens et chanoines de l’abbaye de Saint-Géraud d’Aurillac.
Plus près de nous, de multiples noms sont issus de Haute-Auvergne. Pour les nominations, la ville d’exercice est parfois mentionnée. Dans d’autres cas, comme pour les trompettes malheureusement, rien ne permet de connaître leur localité d’origine. Il est à noter que quelques patronymes cantalous reviennent régulièrement comme les Teillard du côté de Saint-Flour et de Murat (48 occurrences), de même que les Cambefort à Aurillac (33 occurrences).
Concernant les professions, je relève beaucoup de conseillers en la Cour, et de procureurs du roi. Mais aussi des huissiers, présidents en l’élection de… , des substituts du procureur, des avocats, des gardes du corps, gardes de la porte, des lieutenants des gabelles, des notaires royaux, des visiteurs généraux des gabelles, des trésoriers, greffiers, et aussi, parfois, quelques trompettes du roi. Plus anecdotique : un médecin du roi et un boulanger de la reine.
En dépit de l’intérêt indéniable de cet inventaire, il faut reconnaître que j’ai eu du mal à me le procurer. Il y a un exemplaire en consultation aux archives départementales du Cantal, probablement déposé par la Société de Haute-Auvergne (cote 2 BIB 504). J’ai pour ma part déniché un unique exemplaire auprès de la librairie Guénégaud, boutique parisienne spécialisée, et dont j’ai apprécié les agréables échanges généalogiques avec le libraire M. Barault, dont l’épouse berrichonne a des ancêtres Pissavy (!).
Pour conclure, j’ai entrepris de numériser cet ouvrage, non sans avoir vérifié qu’il ne l’avait pas déjà été par Gallica, Google Books ou bien Archive.org. Je vous propose cette version “OCRisé” où il est possible de rechercher par mot-clé, ce qui vous évitera une lecture séquentielle qui ne se justifie pas forcément.
Merci aux Archives Départementales du Cantal de le mettre à disposition sur leur site. Vous le trouverez ici.
Echalier Francois
le 9 mai 2022Salut à toi. Quel plaisir de voir tous ces beaux métiers aujourd’hui disparus. J’ai cherché mon nom mais rien. Dommage.
lightman
le 9 mai 2022Tiens salut François, j’espère que tout va pour le mieux pour toi.
Echalier François
le 9 mai 2022Merci à toi. Je vois que tu es toujours aussi curieux. C’est une grande qualité ! De mon côté tout va pour le mieux. Je viens d’avoir un enfant (car nos ancêtres ne seraient rien sans nos progenitures. 😇
lightman
le 24 mai 2022Félicitations à toi ! 🙂