JVBook 20 : à Béziers

Le 17 mai 2021

Les blouses roses très girly des gentilles infirmières de la clinique près des arènes de la ville. C’est l’image qui me vient spontanément en tête quand je pense à Béziers. Je ne crois pas comme certains que Béziers soit une ville remplie d’arabes belliqueux venus jusque dans nos bras égorger nos fils et nos compagnes ! Je n’ai pas non plus en tête comme d’autres qu’à Béziers, ce soit un nid de sales fachos nostalgiques de Vichy et du IIIème Reich ! Non, Béziers est pour moi, pour nous, la ville où les blouses roses des soignantes de la clinique Champeau avaient accueilli Myriam au cours de l’été 2009. Après plusieurs fausses couches, cette nouvelle grossesse qui se déroulait bien jusque-là avait évolué défavorablement au point de nous conduire à la clinique. Nous étions catastrophés, car nous revoyions le mauvais film des épisodes précédents : joie de la grossesse, désillusion de la fausse-couche, traumatisme du curetage. Myriam avait séjourné plusieurs jours dans cette clinique, épaulée par une ribambelle d’infirmières, d’aide-soignantes et de médecins. Que des femmes, toutes en blouses roses, toutes également aimables, douces, attentionnées et souriantes, sachant trouver les mots qui rassurent. Nous n’avons jamais oublié cet épisode, au point que nous voulions leur envoyer une carte postale pour les remercier une fois survenue la naissance de notre petite Jade, trois mois plus tard. Et puis, nous n’en avons rien fait, pris dans le tourbillon de notre vie qui changeait radicalement avec l’arrivée de notre bébé. Mais, lors de cet intermède d’août 2009, tandis que les musiques des bandas de la feria retentissaient en centre-ville, les aléas de la vie nous avaient fait côtoyer le meilleur de l’humanité dans ces femmes en rose.

Pour trouver une boîte à livres à Béziers, j’ai décidé d’abord de me fier à la chance, au hasard, à mon instinct, appelons ça comme vous voudrez, en déambulant simplement dans les rues. Je me suis garé à proximité des allées Paul-Riquet, du nom de cet enfant du pays, constructeur du Canal du Midi, dont la statue apaisante semble veiller sur la ville. Avant de partir pour une flânerie dans les ruelles piétonnes, passage obligé dans les deux librairies de la place principale. La librairie « Clareton des Sources », fort bien achalandée, qui m’a fourni l’ouvrage que n’avait pas Cultura : Bibliothèque de Survie, la compilation des dernières critiques littéraires de Frédéric Beigbeder parue la semaine dernière. Puis, un détour derrière le magnifique théâtre municipal dans la boutique France Loisirs pour y acquérir Serge de Yasmina Reza, salué par la critique.
Enfin, direction la cathédrale Saint-Nazaire. On a pique-niqué d’un hambourgeois maison et d’un bol de Bouddha sur un banc de l’esplanade ; en face de nous, une vue exceptionnelle à 180° sur des centaines de kilomètres. Côté nord, les contreforts du Massif Central, on a cherché à y distinguer l’A75, grimpant jusqu’au Pas de l’Escalette pour déboucher sur le plateau du Larzac, qui nous a tant de fois ramenés à Aurillac. Direction sud-ouest, les sommets des Pyrénées enneigées semblent flotter dans le ciel bleu languedocien ; la plaque emailée du belvédère nous apprend que nous contemplons les 2785 mètres du pic Canigou.

Quelques passants ; quelques gosses qui jouent ; un couple de jeunes russes bavards – ils parlent quelle langue, demande Jade. Et puis un marcheur filiforme plombé par la fatigue et coiffé d’un chapeau melon de feutre noir, comme celui des Dupont et Dupond dans Tintin. Sur son banc, il a déposé un bâton de bois qu’il a taillé lui-même, une gourde de l’armée et un sac à dos kaki épinglé d’une coquille Saint-Jacques. Un autochtone le questionne, il répond d’un cri joyeux : « From Jerusalem to Santiago ! ». Alors, il remet son sac à dos, prend le temps de bien le caler, esquisse un ou deux pas hésitants, et il frappe le pavé de deux coups secs avec sa canne, comme pour annoncer le signal du départ. Et la machine se remet en route, lentement, chaque pas le rapprochant un peu plus de Saint-Jacques de Compostelle. Ces deux coups de canne sur le pavé biterrois m’ont ramené au film The Irishman, où Robert De Niro, jouant le rôle d’un porte flingue de la mafia, frappe toujours deux fois la table de son poing avant de passer à l’action. On ne saura jamais si notre pèlerin par son geste a voulu nous signifier son appartenance à la mafia ou son admiration pour De Niro…

Mais en attendant, pas de boîtes à livres dans les rues de Béziers. Le recours au hasard n’ayant pas été probant, Google allait nous révéler que la sous-préfecture biterroise en compte une demi-douzaine, implantées par le Lions Club Béziers Doyen dans les principaux parcs de la ville. On n’a pas été faire tous les parcs, on en a choisi deux. Le Plateau des Poètes, superbe jardin dont les allées sont bordées de platanes centenaires, et une jolie mare en contrebas où se plaisent quelques canards, cygnes et autres anatidés.
Nous avons repéré facilement la boîte à livres proche de l’entrée. Celle-ci est petite, et de loin, on croirait voir un nichoir à merles plutôt qu’une bibliothèque en libre service. A l’intérieur, déception, onze livres, pas un de plus. Parmi eux, une Bible récente, accompagnée de la Métamorphose de Kafa, malheureusement en anglais ; et la version poche du premier tome de Millénium… J’ai déposé le JV Book n°20, même si un recueil de poésie aurait été plus pertinent pour ce petit écrin de nature dans lequel trônent quelques dizaines de bustes de poètes régionaux, de part et d’autre d’un monument à la mémoire de Jean Moulin, autre gloire locale.
Je n’ai rien pris en échange, pour ne pas déshabiller davantage cette maigre collection.

Le second parc, celui de la Plantade, borde la rive gauche de l’Orb, le fleuve qui débouche dans la Méditerranée quelques kilomètres plus loin, à Valras-Plage. Là encore, la boîte à livres est presque inhabitée : huit livres seulement, en comptant un vieux missel couleur lie de vin peut-être lancé depuis la cathédrale en surplomb.

Quelques minutes à peine après avoir déposé mon livre, une dame assez forte et de rouge vêtue s’est approchée, elle a feuilleté très vite le JVBook comme pour voir s’il contenait des images, avant de préférer Millénium pourtant également pauvre en illustrations. Puis, une petite mémé voûtée est venue, elle est restée de longues minutes la tête dans l’armoire, pour repartir finalement les mains vides. J’en conclus qu’il y a véritablement un appétit de lecture à Béziers, et malheureusement ces boîtes à livres ne sont pas suffisamment approvisionnées. En attendant que la mairie ou le Lions Club prennent conscience de ce besoin, je vous encourage si vous passez dans le coin, à y déposer quelques ouvrages de votre bibliothèque personnelle, ils feront assurément des heureux.

Commentaires

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  1. lajarrige

    le 17 mai 2021

    Bonjour,
    Montpellier est sur le chemin entre Aix et Béziers; Si un de tes livres ne trouve pas de boîte, je suis prêt à t’en acheter un…

  2. lightman

    le 18 mai 2021

    C’est gentil Arnaud. Je risque de ne pas repasser dans le coin avant plusieurs semaines, pour que je n’oublie pas, donne-moi ton adresse postale et je t’enverrai gracieusement un exemplaire avec plaisir => pissavy2012 arobase gmail.com

  3. Françoise Pissavy

    le 26 mai 2021

    comme je me reconnais dans ton article sur l inaptitude aux rencontres tu ne t es jamais pose la question d ou cela pouvait venir ,?cela pourrait il etre congenital?