Du Cantal et des ballons

Le 26 juillet 2020

Cette fois-ci, on a coché un certain nombre de cases depuis notre emménagement. La maison est maintenant presque entièrement décartonnée. Malgré ma déclaration d’amour en faveur de l’entreprise Michel Visy, je commençais à devenir allergique aux cartons de déménagement en attente de déballage. On va pouvoir enfin se consacrer à des choses plus sérieuses, comme déguster du gibassier – une spécialité boulangère locale, sorte de galette sablée plate et dure à l’anis – ou bien encore rendre visite à mon compatriote tenancier d’une boutique de produits auvergnats près d’ici, et qui s’obstine à vendre du Cantal fabriqué en Corrèze, ce que permet la très laxiste AOP Cantal, et aussi du Saint-Nectaire fabriqué dans le Puy-de-Dôme, ce qui est déjà plus normal. Ce Cantal corrézien étant de bonne qualité, je vais avoir du mal à le convaincre de changer, d’autant que du mauvais Cantal fabriqué dans le Cantal, on n’en manque pas.

Après quelques jours de pause, j’ai repris Tolstoï. Je voulais vous faire mon rapport d’étonnement lorsqu’à la page 256 du tome 2, j’ai appris que l’empereur russe Alexandre Ier, pour contenir la Grande Armée de Napoléon qui n’était plus qu’à quelques jours de Moscou, avait demandé à l’inventeur allemand Franz Leppich, de construire un énorme ballon. Le plan était de faire voler ce ballon et son équipage au-dessus de l’armée française pour la détruire par des bombes incendiaires. Mais toutes les tentatives de décollages sont restées infructueuses. Peut-être ce premier ballon et les nombreux autres qu’il était prévu de construire en cas de succès auraient-ils pu changer la guerre ? Mais déjà la Grande Armée avançant, les russes en battant en retraite décidèrent de tout brûler afin que cette technologie ne puisse tomber aux mains de l’ennemi*.
C’est saisissant de voir le rapport entre la recherche, la technologie et l’armée. Aujourd’hui, on ne s’étonne pas que de nombreuses avancées technologiques soient le fait de l’armée. Le pentagone est souvent client des startups américaines, comme en témoigne la grande avance prise dans le domaine de l’exploitation de drones de combat tandis que l’armée française en était encore totalement dépourvue il n’y a pas si longtemps… De même, si Israël est considérée comme une startup nation, c’est avant tout parce que ses jeunes entreprises technologiques sont très soutenues par Tsahal.

C’est passionnant de faire coïncider les frises chronologiques de la technologie et de l’histoire militaire. En lisant ce passage sur l’invasion française en Russie en 1812, j’en avais oublié que les frères Montgolfier avaient réalisé le premier vol habité dès 1783 grâce à un ballon à air chaud.

Sur le même thème, ça me rappelle que c’est dans la seconde moitié du XIXème siècle que se déroule le très bon film The Aeronauts**, qui raconte l’histoire d’une pilote de montgolfière un peu délurée et d’un météorologiste, tous deux réunis pour battre un record d’altitude. Le film sorti en 2019, a été réalisé par Tom Harper, réalisateur britannique qui a également commis – il n’y a pas de hasard – la série télévisée Guerre et Paix, adaptation en six épisodes du roman de Tolstoï. La boucle est bouclée, il ne me restera plus qu’à la visionner, mais pas avant d’en avoir terminé avec le roman original.

*Si cette histoire vous intéresse, elle est expliquée beaucoup plus exhaustivement ici : https://cm.ww2facts.net/37836-the-secret-weapon-of-kutuzov.html

**The Aeronauts, film que j’ai visionné sur Amazon Prime Video