De la brièveté de la littérature française
J’ai lu un propos intéressant sur l’un des groupes de passionnés de lecture que je fréquente en pointillés sur le réseau dit social contrôlé par Zuckerberg. Une dame y regrettait en substance que les romans contemporains soient devenus beaucoup trop longs, au minimum 500 pages alors que, selon elle, les romans d’autrefois étaient beaucoup plus minces et digestes.
Ce discours m’a interpellé parce que j’étais précisément persuadé du contraire. Actuellement, je suis en train de lire Dans les Forêts de Sibérie de Sylvain Tesson , 250 pages ; sa Panthère des Neiges bondit sur à peine 176 pages ; il y a plus court : le dernier Amélie Nothomb, Soif, 162 pages écrit très gros ; le dernier essai de Régis Debray à peine 128 pages – ce qui était largement suffisant… Avant-hier soir, pendant La Grande Librairie, j’ai commandé Otages de Nina Baraoui, 170 pages ; puis Le Bal des Folles de Victoria Mas, 256 pages…
Vous allez me dire qu’il y a des contre-exemples, et que dans certains genres tels que les polars, ou la fantasy, on trouve bien plus de textes fleuves. Mais en dehors de ces cas particuliers, il me semblait bien que la littérature française était de plus en plus brève. Peut-être pour répondre au marché qui fait pression sur les éditeurs, lesquels orientent naturellement leurs auteurs vers des productions bankables. Avec des lecteurs qui ont de moins en moins le temps de lire, une population hexagonale qui s’accroît mais lit moins qu’au XIXème siècle, on peut imaginer que les gros pavés effraient le chalan, comme un trop gros hameçon la truite fario…
D’ailleurs, un second internaute répondait au premier message en objectant que de très nombreux romans classiques comptent plusieurs milliers de pages. Il suffit de lire Hugo, Dumas, Proust, et bien d’autres…
Pour débusquer la vérité sur cette question, il est possible de trancher par les chiffres. Il suffirait d’avoir une base de données de livres, du type de celles dont disposent la FNAC ou Amazon, et d’effectuer la moyenne des nombres de pages de tous les livres de type « roman », par année. Et de comparer le nombre obtenu sur les deux ou trois derniers siècles. On observerait alors s’il se dégage une tendance ou pas. Ca me plairait bien de réaliser ce petit travail, tout à fait dispensable je vous l’accorde.
Car je suis un comme ça, moi. Un statisticien de l’inutile. Quand j’étais petit, dans la voiture familiale, j’emportais toujours une feuille de papier et un crayon, et je noircissais des pages entières de chiffres en observant les voitures que nous croisions. J’avais essayé de constituer plusieurs séries de comptages. Le plus facile était de bâtir une série sur la couleur des voitures. Mais très vite, les colonnes dédiées au gris, et au blanc se remplissaient tandis que les rouge, verte, ou pire jaune, restaient quasiment vides. Les gens sont d’un conformisme sidérant pour leur couleur de voiture !
Alors j’étais passé aux plaques d’immatriculation, je notais les cantalous, les puydomois, les aveyronnais, les parisiens, les marseillais… Mais en Haute-Auvergne, la colonne 15 atteignait immanquablement la limite de la feuille tandis que les autres départements restaient dépeuplés si l’on excepte quelques clermontois égarés inaugurant la colonne 63….
Alors, j’avais finalement trouvé que le plus passionnant, c’était de compter les voitures par constructeur et même par modèle ! Je dénombrais les R5, les R18, les R9, les R30, les 305, les 304 Break, les Talbot Horizon, les 205 GTI, les 2CV, les 4L. Il y avait des journées à Renault, et des trajets où les Peugeot ressortaient victorieuses. Plus épisodiquement, je trouvais une belle pièce : une Citroën Traction Avant, ou une Renault Fuego ! Parfois même, apothéose, une antique De Dion-Bouton fumant noir ! Mais là, je n’avais aucun mérite, notre voisin en avait plein son garage…
Dire que de nos jours un logiciel pourrait facilement réaliser ces statistiques avec une caméra encastrée au-dessus du pare-brise avant. A la fin du trajet, l’ordinateur de bord nous indiquerait quelle couleur est la plus répandue, quels modèles de quels constructeurs ont été les plus croisés… Ca me plairait. C’est peut-être une idée d’appli pour smartphone dès aujourd’hui…
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