Comment développer un territoire rural ?

Le 21 mai 2019

Pour habiter dans le département du Cantal qui est un territoire profondément rural – on parle même d’hyper-ruralité – je me pose régulièrement la question de trouver des leviers de développement. Le Cantal fait face à de nombreuses difficultés et voit la majorité de ses jeunes partir depuis 150 ans faute d’emplois, et par conséquent sa population baisser. Le Cantal, en effet, contrairement à la plupart des autres départements ruraux, n’a pas encore touché le fond, et n’est pas parvenu pour l’instant à inverser cette tendance démographique baissière.
Il est donc important et urgent d’agir, et de trouver des leviers qui permettrait d’enrayer le déclin et même de développer le territoire.

Il n’y a cependant pas de recette miracle. Si c’était le cas, depuis un siècle et demi, on l’aurait trouvée. Mais s’il n’y a pas de recette miracle, sans doute y a-t-il un comportement à avoir pour favoriser le dynamisme d’un territoire. Et là, on se rapproche de mon domaine de prédilection qui est l’innovation, qui elle-même nécessite des comportements spécifiques qui peuvent la favoriser, tandis que d’autres s’avèrent nuisibles.

Pragmatisme et bon sens, plutôt qu’idéologie

Beaucoup d’élus manquent d’idées, et quand un élu manque d’idées, il a tendance à fonctionner en mode « résolution de problèmes », une attitude passive qui conduit parfois à s’inventer des problèmes que les campagnes n’ont pas, simplement pour transposer les politiques mises en oeuvre dans des grandes métropoles et qui sont totalement inadaptées. Ainsi voit-on des dirigeants de villes moyennes s’attaquer à des problèmes de pollution atmosphérique ou de trafic routier qui n’existent pas localement. C’est sûrement vertueux dans l’absolu, c’est aussi très valorisant pour un élu de se prendre pour le maire de Bordeaux ou de Nantes, mais on ne peut pas demander à des territoires ruraux déjà défavorisés à bien des égards de devenir les fers de lance sur des problèmes qui les concernent marginalement, tandis que les vrais enjeux ne sont pas adressés !
Un mot sur la véritable passion de nos élus pour les ronds-points, et par extension et plus récemment pour les ralentisseurs, les bornes anti-stationnement, et osons rajouter les pistes cyclables (dont certaines sont particulièrement audacieuses). Ce sont des dépenses importantes souvent décidées dans l’urgence, sous le coup de l’émotion, suite à un accident de la circulation, ou pour faire plaisir à une association de quartier. Tous ces dispositifs nuisent à la fluidité de la circulation, à la flexibilité du stationnement qu’on peut attendre d’un village ou d’une ville moyenne. Ils agissent aussi fortement sur la psychologie des automobilistes, ce qui les conduit à délaisser un centre-ville de plus en plus compliqué au profit des périphéries. Ce qui a au passage un effet nuisible en matière d’environnement, qui est précisément le contraire du but recherché initialement. Bref, ces mesures prises en réaction sans réflexion, ont une efficacité discutable quand elles ne sont pas contre-productives : cela n’empêche pas les 1% de chauffards de sévir, tandis que 100% des automobilistes subissent les restrictions de circulation tout au long de l’année.

Ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres. Le pragmatisme, c’est aussi réfléchir aux effets induits qui sont presque toujours sous-estimés lors de décisions prises à la hâte.

Priorité à l’économie

Si on veut développer un territoire, ça passe forcément par l’économie et la démographie, les deux étant liées. Dans un territoire comme le Cantal, où la population baisse, il faut agir sur l’économie pour enrayer la baisse démographique. Dans des territoires plus attractifs comme l’Hérault ou la Haute-Savoie qui gagnent plus de 10.000 habitants par an, il faut encore agir sur l’économie pour créer de l’activité qui fournira du travail à ces populations et les fixera dans ces territoires.

Soutenir l’économie, ce n’est pas seulement construire des zones industrielles et des bureaux. Ca, ce sont des idées des années 80. Peut-être que dans des métropoles ça pourrait suffire. La densité d’activités économiques étant importante, l’effervescence de projets étant extraordinaire, les élus pourraient se contenter de gérer la croissance en fournissant des infrastructures… Mais en réalité, ce n’est pas ce qui se passe. Car les territoires les plus dynamiques économiquement sont aussi ceux qui sont souvent dirigés par les élus les plus sensibilisés à l’économie, qui n’hésitent pas à engager des actions fortes pour la dynamiser. Ainsi Clermont Métropole, en lien avec l’ancienne région Auvergne, a lancé Le Bivouac (1M€ de budget annuel), un accélérateur de startups qui a enclenché un véritable cercle vertueux autour de l’innovation dans le bassin clermontois. Dans le Cantal, l’équivalent du Bivouac, c’est Catapulte, une association d’intérêt général portée à bout de bras par une poignée de bénévoles, qui a fait des miracles depuis 18 mois, et attend un véritable engagement des collectivités. Faute de quoi, le miracle prendra fin.
A Rodez, c’est la collectivité qui va financer son propre incubateur, non sans être venu s’inspirer des bonnes pratiques de Catapulte…

Rechercher l’effet de levier

L’avantage de structures d’accompagnement de projets comme Catapulte, c’est qu’elles offrent un effet de levier. Ce sont en quelques sortes des méta-projets, c’est à dire des projets favorisant l’éclosion d’autres projets. C’est normalement une véritable bénédiction pour un territoire de voir s’implanter une telle initiative (c’est en tous cas ce qu’on m’a dit plusieurs fois… ailleurs).
Il est donc beaucoup plus judicieux à mon sens pour une collectivité de s’appuyer sur une structure d’accompagnement que d’aider des projets en direct. L’effet de levier, c’est ce que recherche tout entrepreneur, et c’est ce qui devrait être aussi une priorité pour des collectivités, enfin celles qui veulent être efficaces et avoir un véritable impact.

Pour résumer en quelques mots : si vous êtes un élu et que vous souhaitez avoir une action sur votre territoire quel qu’il soit, agissez sur l’économie (même si ce n’est pas dans vos « compétences obligatoires »), et prenez soin des porteurs de projets locaux, c’est votre plus grande richesse !

PS : ce billet est issu d’une réflexion personnelle préparatoire à la visite de sénateurs hier à Catapulte, et que j’ai décidé de partager avec vous.

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