Ce qu'on a perdu cette année

Le 23 juin 2020

Cette année, on peut pleurer l’Euro de foot ainsi que les Jeux Olympiques, tous deux repoussés à 2021. On a perdu Roland Garros et le Tour de France décalés à la fin de l’été. Les championnats de sport collectif n’ont pas pu reprendre leur cours habituel. C’est un peu triste cette absence de sport, et préoccupant car on sait bien que le simple spectacle du sport incite soi-même à la pratique. Chaque mois de juillet, tandis que Romain Bardet essaie de distancer le peloton du Tour de France, les routes de l’hexagone sont encombrées de cyclistes du dimanche. Si l’on se souvient qu’il n’y a pas si longtemps, nous étions tous assignés à résidence, occupés à siroter des boissons effervescentes sucrées ou houblonnées devant Netflix, et à confectionner des gâteaux hypercaloriques. S’ensuit fort logiquement une prise pondérale pour beaucoup d’entre nous. Si en plus, on ne compense pas par des exercices sportifs, on risque de voir évoluer la silhouette du français moyen sur une pente glissante au bout de laquelle on ressemblera tous aux humains de Wall-E – ou à des tableaux de Botero si vous préférez. En attendant, les gourous des régimes minceur se frottent les mains. Ainsi que les vendeurs de prêt-à-porter aux rayons « grandes tailles ».

On a aussi perdu le Festival de Théâtre de rue d’Aurillac, mort également du coronavirus. De Profundis. C’est paradoxal, moi qui n’y allais jamais, c’est l’année où je pars que le Festival est annulé. Après l’avoir souhaité tant de fois, c’est cruel, non ? Vous me direz, je m’étais peu à peu fait à l’idée de cette manifestation. On se fait à tout, c’est une question de temps. Ca va peut-être me manquer finalement. Chaque année au mois d’août, c’était une sorte de rituel. L’arrivée des premiers clodos, les groupes de punks à chiens, les néo-soixante-huitards, les petits dealers en mal de business, les bobos citadins venus chez les bouseux pour assister à des démonstrations plus ou moins artistiques en ayant l’impression d’être en communion avec le bas peuple ; des bandes d’artistes autoproclamés débarquant d’étonnantes camionnettes est-allemandes brinquebalantes ; les cracheurs de feux blêmes revenants d’un autre siècle ; les humoristes niais et les mimes pathétiques ; les bimbos vulgaires ou alcoolisées ; les pisseurs discrets des impasses malodorantes ; les tagueurs tristes sans talent ni inspiration ; les avinés qui vocifèrent ou éructent ; ceux qui ne se sont pas lavés depuis l’édition précédente ; sans oublier parfois quelques mélenchonistes haineux, néo-trotskistes ou anarchistes qui chantonnent gaiement un hymne guerrier visant à faire pendre par les tripes les patrons du CAC 40. Ou les CRS, ça dépend des fois…
Finalement tout compte fait, tout cela ne me manquera pas trop.

Non, le plus grave dans cette affaire, ce qu’on a perdu de plus important depuis le début d’année, c’est une forme de légèreté, d’insouciance, d’innocence, de joie de vivre, la convivialité, le sel des interactions sociales impromptues, les échanges et conversations du quotidien. Il faut dire que nos gouvernants, l’adjudant Philippe et le caporal-chef Veran en tête, se sont beaucoup employés pour faire peur à tout le monde. Chaque soir pendant le confinement, la télé tenait le décompte macabre des morts pour la France, entre deux spots rabâchant ad nauseam les mesures de distanciation. Et puis les media se sont engouffrés dans la brèche, avec des journalistes transformés en oiseaux de mauvais augure agitant les peurs pour vendre leurs espaces publicitaires premium… Le résultat, c’est que plus d’un mois après le déconfinement, de très nombreux concitoyens vivent toujours la trouille au ventre, très fragilisés psychiquement. Beaucoup de gens sont affectés, certains « pètent les plombs », d’autres sont internés, de trop nombreux enfants ou conjoints ont été maltraités, et les suicides se multiplient. Dans beaucoup de territoires, on dénombre plus de suicides que de morts du covid-19. C’est probablement le cas dans le Cantal.
Ce drame ne fait pas une ligne dans les journaux. Pourquoi ?
Le confinement en voulant sauver tout le monde du virus chinois, a sacrifié une autre partie de la population, les plus fragiles psychologiquement.
Pour s’en rendre compte, il suffirait aux journalistes de descendre de leurs maronniers et d’aller interroger, sur le terrain, des pompiers, des policiers ou des psychologues. Bref, faire leur métier d’information de la population. C’est sûr que c’est moins confortable que de recopier les dépêches AFP, de commenter les conférences de presse officielles, ou de préparer des punchlines pour Twitter.

Commentaires

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  1. Vero J

    le 23 juin 2020

    Surprise de ton jugement sans nuance du festival 😬 qui de mon point de vue est tout ce que tu en dis mais aussi plein de belles choses. Mon côté bobo sans doute 😉

  2. lightman

    le 23 juin 2020

    Oui, il est probable que je n’aie pas assez insisté pour dénicher les pépites, s’il y en a.