Yeux bleus, chapitre 2

Le 11 septembre 2019

« Sébastien, avec ses lunettes, on dirait Thierry Lhermite dans Le Père Noël est une ordure ».
Il paraît que la vérité sort de la bouche des enfants, en l’occurrence des enfants de nos amis. Enfin nos anciens amis.
Bien sûr, je me suis fendu d’une protestation officielle auprès des parents, et nous avons consécutivement rompu toutes relations diplomatiques avec eux.
Pour les enfants, j’ai traité le problème autrement. J’ai décidé d’une riposte proportionnée, la fessée était bien sûr proscrite. Alors, je les ai pris à part. Tout en me baissant doucement pour me mettre à leur hauteur, j’enlevai mes lunettes en leur souriant tendrement pour ne pas éveiller le soupçon, et puis Paf ! Je leur assénai à chacun un bon coup de boule. Quelques blessures superficielles à déplorer : une bosse pour les petits et un nez cassé pour moi. Le gros risque du coup de boule sur des enfants, c’est en effet de viser trop haut. C’est pourtant Depardieu qui m’avait enseigné la technique du coup de boule, dans la séquence culte des Compères avec Pierre Richard. Après avoir visionné la scène 73 fois, j’avais fait une première tentative sur Myriam, qui avait eu une réaction épidermique extrêmement violente avec moi – une marseillaise d’ascendance sicilienne, c’est toujours un peu susceptible…

Cette histoire de lunettes avait pourtant bien commencé. Je vous avais raconté ma visite triomphale chez l’ophtalmo cet été. Peu de temps après, je débarquai chez Alain Afflelou, le roi de la lunette. Ou plutôt le roi des lunettes, le singulier faisant inévitablement penser à la lunette des toilettes. Or je ne suis pas sûr qu’Alain Afflelou se soit lancé sur ce segment pourtant très porteur de la lunette de WC. En tous cas, je n’en ai pas vues en magasin.
Bref, je suis allé dans l’un des 719 points de vente de l’opticien vedette pour essayer des montures. J’avais dans l’idée de trouver de petites lunettes simples, discrètes, rondes et fines à la Steve Jobs. Je pensais avoir trouvé ce qu’il me fallait, lorsque je me retournai pour avoir l’approbation de ma femme et ma fille : « C’est horrible, ça ne te va pas du tout ». J’en essaie d’autres, même réaction. Au bout d’une trentaine d’essais infructueux : « C’est pas possible, t’as pas une tête à lunettes, il n’y a rien qui te va ». Là, j’entraperçois le petit sourire narquois de la discrète mais perfide opticienne.
En désespoir de cause, j’ai fini par prendre un modèle passe-partout que je porte aujourd’hui en vous écrivant. Suite à cette expérience traumatisante, j’évite de porter mes lunettes en public ou alors je rase les murs, et je guette toujours avec angoisse la première réaction sur le visage de mes interlocuteurs, laquelle ne se fait généralement pas attendre. Cela va du simple haussement de sourcils étonné, au petit sourire en coin, et parfois jusqu’au franc fou-rire décomplexé.

A la lumière de ces événements récents, il me faut revoir ma théorie sur ces puissants instruments de séduction que sont les yeux bleus et les gros seins. Contrairement à toute attente, il semblerait que les lunettes, sur moi en tous cas, altèrent sensiblement la capacité de séduction du regard. De la même façon que le temps et la gravité sont la faiblesse des gros seins, les lunettes sont assurément la kryptonite des yeux bleus.

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