Apprendre ce qui fait du bien
L’autre jour, on a monté une armoire de type IKEA, et on a, comme tout un chacun, subi toutes les petites contrariétés qui peuvent arriver dans pareille situation : découvrir d’abord que les différentes parties du meuble ne sont pas numérotées, que la visserie est en vrac dans deux sacs différents selon une logique de répartition tout à fait mystérieuse ; se tromper de vis, et s’en rendre compte bien plus tard, et devoir tout redémonter pour revenir à l’étape n°1 de l’illisible double feuille qui fait office de notice de montage ; au cours du démontage une des rares pièces en bois (le reste étant en mélaminé) qui se trouvait en équilibre instable est tombée en se brisant ; puis au moment de redresser l’armoire, se rendre compte qu’elle pèse un âne mort ; malgré mon physique de Jean-Claude Dus, après avoir réussi à la redresser puis la positionner à son emplacement final, se rendre compte qu’on a oublié une pièce, et devoir la recoucher ; pendant l’opération de remise à l’horizontal, par un mouvement de torsion inattendu, le fond souple de l’armoire s’est dégondé obligeant à repartir quelques étapes avant. Je ne vous détaille pas plus, ce qui était pénible à faire serait encore plus pénible à lire. Une vraie galère. La sournoise notice de montage estimait le temps de travail à 80 minutes. On aura mis deux après-midi, soit à peu près huit heures !
Ce qui est étonnant, c’est qu’après avoir terminé ce petit bricolage, je me suis senti étonnamment bien. Un petit sentiment d’accomplissement, une minuscule fierté d’avoir fait travailler une autre partie de mon cerveau avec ce travail manuel, moi qui suis encore aujourd’hui bien trop souvent dans l’abstraction ou le virtuel, devant mon PC ou mon Samsung Galaxy.
Je déteste le bricolage, et le bricolage me fait pourtant du bien. C’est dingue. Peut-être vais-je rejoindre la cohorte des quadras en cols blancs qui changent de vie en optant pour un travail manuel : tel cadre sup qui devient boulanger, tel banquier qui suit une formation pour apprendre l’horticulture. Y a-t-il une filière pour les anciens informaticiens ?
En dehors du bricolage, il y a autre chose qui me fait du bien, les frasques de Pancho. A l’âge vénérable de plus de 15 ans, notre chien-vieillard nous fait toujours rire. Cette semaine, il a fait sa troisième tentative de suicide en trois mois. Après s’être jeté dans la piscine glacée en décembre, après avoir avalé une bonne poignée de graines de mort-aux-rats vert fluo, il a cette semaine, dans un épisode dépressif extrême que l’on ne peut s’empêcher d’imputer au covid, tenté de mettre fin à ses jours en se jetant du premier étage sur la dalle de la terrasse. Alors que la porte-fenêtre du bureau de Myriam était entrouverte, je l’ai rattrapé in extremis par la patte arrière droite, alors que la majeure partie de son anatomie avait déjà franchi le garde-corps et qu’il continuait tel un zombie à avancer vers le vide. Je lui ai pris un rendez-vous chez l’ophtalmo et je ne manquerai pas de l’amener chez ma psy. Mais quelle rigolade !
Un autre truc qui fait du bien, ce sont les rares émissions de variété qui passent à la télé. Je n’ai jamais été passionné par les nombreuses productions du genre présentées par les Drucker/Sabatier/Foucault qui se multipliaient dans les grilles du PAF des années 80. Et pourtant, lorsque je suis tombé l’autre jour sur l’émission La Boîte à Secrets, j’ai trouvé que le sourire des invités faisait chaud au coeur. Avec les masques, on a presque oublié que les gens ont une bouche, un sourire, une voix, un coeur. En dépit d’anecdotes personnelles un peu larmoyantes, je valide cette émission parmi les rares contenus qui font du bien à la télé en ce moment. Et puis personnellement, entendre Richard Cocciante au piano interprêter Il mio Refugio, ça me fait toujours quelque chose.
Mehdi
le 3 février 2021Et nous c’est vos articles qui nous font du bien, toujours un régal de vous lire.