La revanche des survivalistes

Le 13 mars 2020

Ca faisait des décennies qu’ils se préparaient à la fin du monde. Ils avaient entassé des tonnes de provisions, de carburant, des armes et des munitions pour se défendre tout autant que pour pouvoir chasser si ça devenait la seule façon de se nourrir. Ils ne se sont pas rués dans les pharmacies pour acheter à la dernière minute masques, gants, ou gel désinfectant. Ils n’en ont pas eu besoin, parce qu’ils avaient déjà anticipé, ils avaient constitué leur propre stock bien caché dans leur garage. Pendant tout ce temps, ils avaient aussi appris les meilleures techniques de survie, dévoré toutes les oeuvres de Mike Horn, visionné des dizaines de vidéos Youtube de soins médicaux d’urgence pour savoir comment suturer une plaie, faire un garrot, ou un massage cardiaque. Inutile de vous dire qu’ils détestaient Koh Lanta dont l’amateurisme des candidats en matière de survie en milieu hostile les insupportait.
Certains, les plus déterminés, avaient même construit un abri anti-atomique blindé au sous-sol de leur maison. Ils étaient pour la plupart américains, il y avait aussi quelques français bien sûr, mais la plus grande population était texane, californienne, coloradienne, michiganaise ou louisianaise…
On les prenait pour des originaux, des illuminés ou des fous furieux. Les gens se moquaient d’eux ouvertement. Mais aujourd’hui, ils tiennent leur revanche. Elle est éclatante, elle passe et repasse à longueur de journée sur les chaînes d’information. C’est actuellement l’unique sujet de la BBC, de CNN, France 24, Aljazeera, RT, ou NHK, reléguant le réchauffement climatique au rang de préoccupation secondaire. L’apocalypse est proche ! Ils nous l’avaient bien dit ! Le jour de gloire des survivalistes est arrivé !

En ces temps de pandémie coronavirale, il s’agit de s’organiser. Dans quelques jours on vivra peut-être tous reclus à la maison avec interdiction de bouger. Comme en Chine, où il faut bien admettre que cette méthode autoritaire radicale a produit des effets particulièrement positifs sur la pandémie. Tout ça me fait penser à Je suis une Légende, le film avec Will Smith – c’était avant ma redécouverte de la lecture, sinon j’aurais probablement lu le roman de Richard Matheson duquel il est issu.
Vous savez, c’est ce film où l’acteur afro-américain incarne le dernier survivant d’une pandémie dans un New York dévasté ; il est aux prises avec des hordes de zombies affamés qui viennent chaque nuit essayer de le bouffer.

J’avais été voir ce film avec Myriam. Je me demande d’ailleurs comment j’avais réussi à la convaincre d’aller voir ça, elle qui fuit les films d’action et ceux qui effraient le spectateur et qui n’affectionne rien d’autres que les comédies plus ou moins romantiques. J’avais dû lui vendre un film gentillet, une histoire d’amour avec Will Smith, un peu comme Ghost (la scène de la poterie) ou Dirty Dancing (le porté final). C’était certes mensonger, mais j’avais jugé bon d’ajouter qu’il y avait un casting de malades, avec même une apparition de Brad Pitt…

Forcément, on y était allés. Elle s’était vite rendu compte que je lui avais survendu le film. A la première scène nocturne violente :
– aahhhhhhh ! Mais c’est quoi ça ?
– Je crois que c’est un zombie ma chérie
– Mais c’est horrible !
– Tu exagères, ils ne sont pas si horribles que ça, peut-être un peu agressifs c’est vrai. Mais je trouve ta remarque spéciste. Les zombies ont le droit de vivre eux aussi. Il faut savoir accepter leur différence.
– Je vais te tuer, je vais te tuer !

Myriam avait vu seulement la moitié du film, et l’autre moitié la tête enfouie sous sa veste, à me demander « c’est bon, il est parti ? ». Ca m’avait fait rire. A la réflexion, j’ai peut-être un petit côté sadique. Vous ne serez pas étonné si je vous dis que ce fut notre premier et dernier film de zombies, d’ailleurs bien gentillet par rapport à d’autres productions du genre.

C’était en tous cas un bon entraînement pour les semaines à venir, où il va falloir, comme Robert Neville, le héros de Je Suis une Légende, faire preuve de patience, rester calfeutré à la maison, respecter les consignes de sécurité, ne pas relâcher son attention. « Tu veux me serrer la main, mais tu es fou ! ». « La bise ? Tu veux me tuer ou quoi? ». « Pardon Monsieur, veuillez respecter la distance de sécurité d’un mètre, nous n’avons pas gardé les Salers ensemble ».

Lundi 16 mars 2020 : jour 1. Courage, et vive le drive, Netflix et Amazon. Une boîte newyorkaise opportuniste propose d’ailleurs à la vente un indice « Stay home » composé de 33 actions antipandémiques, dont les deux précitées, qui vont avoir le vent en poupe en ces temps de krach boursier lancinant. C’est un bon plan pour cette société de courtage, mais un très mauvais plan pour vous. Ne jamais acheter ce que tout le monde désire. Au contraire, attendre encore quelques jours que les indices continuent de s’enfoncer, puis acheter massivement des actions massacrées des secteurs touristique et aérien par exemple. C’est ce qu’il faudrait faire, mais que personne ne fait jamais, sauf Warren Buffet. Faudra que j’y pense…

Bon courage à tous, tenez bon !

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