Joe Dassin

Le 2 septembre 2019

Dans les années 70, mes parents étaient des jeunes de leur temps avec leur deux-chevaux neuve, leurs pantalons à pattes d’eph, l’insouciance de leurs 25 ans. Je revois les chemises à jabot de mon père sur les vieilles photos de mariage en noir et blanc. Et ne parlons pas des rouflaquettes. De nos jours, elles ne paraîtraient plus du tout exotiques tant la mode a totalement réhabilité la pousse des poils sur le visage – pour les hommes du moins.

Les années 70, ce sont des souvenirs assez nébuleux dans ma mémoire, mais quelquefois je retourne en rêve à cette époque qui m’apparaît alors tout à fait nettement, comme si j’y étais. La nuit dernière, j’ai rêvé de Joe Dassin. Dans son costume blanc impeccable, chemise blanche à col pelle-à-tarte, cravate rose pâle, le crooner franco-américain excessivement bronzé déroulait devant un public conquis. Il chantait l’un de ses plus grands tubes, une de ces chansons joyeuses, délicieusement légères et sans prétention, si typique des années 70 : « Les p’tits pains au chocolat ». Reconnaissons que Fugain a aussi fait beaucoup pour la légèreté dans la chanson française, à l’opposé des Sardou ou Guichard qui s’étaient quant à eux spécialisés dans les mélodies pour dépressifs.

Et pourtant elle était belle
Les clients ne voyaient qu’elle
Il faut dire qu’elle était vraiment très croustillante
Autant que ses croissants
Et elle rêvait mélancolique
Le soir dans sa boutique
À ce jeune homme distant

Soudain, Patrick Sébastien fait irruption sur scène : « Laisse Joe, j’vais l’faire ». D’un revers de manche, il humecte sa lèvre inférieure, donne du volume à ses cheveux, et tourne ses yeux pour reproduire le plus fameux strabisme des années 70 après Dalida. La musique reprend.
C’est alors qu’arrive un Bernard Pivot un peu éméché, qui pousse Patrick et lui prend le micro des mains. « Je sors d’Apostrophes avec Bukowski. Si je peux me permettre, j’attire votre attention sur le fait que Joe Dassin est un nom d’origine américaine, qui doit se prononcer « Djo » et non pas « Jo ». S’ensuit une bagarre monstre autour de la grandeur de l’Amérique, de l’alcool en littérature, et de la supériorité du rugby-club de Brive par rapport à sa foire aux livres.

Au milieu de la nuit, Myriam m’a entendu crier « Bordel ! Puisqu’on vous dit que c’est Djo et pas Jo ! »

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