Une ouverture sur la bande dessinée

Le 5 janvier 2020

Je dois reconnaître avant d’entrer dans le vif du sujet que ma culture bédéesque est très limitée. Cela vient du fait que dans mon enfance, les bandes dessinées m’étaient peu accessibles : je n’en lisais pas, dans la mesure où l’on ne m’en achetait pas, préférant m’offrir de « vrais livres ». J’ai donc découvert les bandes dessinées grâce aux copains ou aux cousins. J’ai d’abord le souvenir des Astérix, les meilleurs, ceux écrits par Goscinny, les Tuniques Bleues de mes cousins, les mythiques Tintin bien sûr, quelques Lucky Luke. Sans oublier les Iznogoud, découverts par hasard un dimanche de baptême, alors que nous attendions l’heure de la cérémonie, et que pour patienter j’avais pioché, à son invitation, dans la collection de mon oncle Christian. Une révélation. C’est d’ailleurs un Iznogoud que j’avais fait dédicacer à un Tabary esseulé, qui attendait le chaland sur le stand de la Maison de la Presse de Saint-Flour, à la foire aux livres de Ruynes-en-Margeride en juillet 1990.

Quand je dis qu’on ne m’achetait jamais de BD, ce n’est pas tout à fait vrai. Quand j’étais malade et alité, j’avais reçu quelques journaux de Mickey, ou bien de Picsou, je ne sais plus. Tout cela explique que la bande dessinée a longtemps été associée dans mon esprit, d’une part à une sous-culture, et d’autre part à une période de convalescence.

Une fois adulte, j’avais lu une dizaine de Titeuf. Zep est drôle et créatif, mais en les refeuilletant dernièrement, j’ai été effaré par la pauvreté du vocabulaire. Ce qui m’a dissuadé d’en recommander pour l’instant la lecture à ma fille, au profit de Lucrèce, une bonne série de romans écrits par Anne Goscinny, la fille du précité, bon sang ne saurait mentir.
Et puis, j’avais tenté quelques découvertes au feeling, notamment de BD adaptées en jeux vidéo. Il y avait eu XIII, Largo Winch, et probablement quelques autres. Pas emballé, j’en avais déduit que la BD n’était pas pour moi.

Jusqu’à l’année dernière, où j’ai lu un essai consacré à l’alcool et au monde viticole*, dans lequel on recommandait une bande dessinée qui avait connu un beau succès, intitulée Les Ignorants, d’Etienne Davodeau. L’auteur y contait une expérience vécue au cours de laquelle il avait partagé la vie d’un vigneron bio pendant une année entière, tout en invitant ce viticulteur des Pays de Loire à découvrir son monde d’auteur de bande dessinée qui lui était totalement inconnu.
Commentaires dithyrambiques sur Amazon, j’ai commandé l’album pensant l’offrir à un proche. Finalement, je l’ai lu et je l’ai gardé. J’ai découvert que la bande dessinée pouvait raconter autre chose que des histoires pour enfants, des aventures de super héros ou des anecdotes comiques. Dans Les ignorants, il s’agit avant tout d’une histoire d’humanité, d’amitié, de partage, de rencontres. C’est un album qui donne matière à réflexion, comme un bon roman ou un film captivant.
Depuis, je me suis fait offrir Les Couloirs Aériens, le dernier de Davodeau. Même type d’histoire réelle semi-romancée où l’auteur se focalise sur la vie d’un tout nouveau quinquagénaire un peu déprimé, qui dans la même année a perdu son père, sa mère, et son boulot. Il est en plein doute, éprouve la solitude. Et puis, grâce à des amis, des souvenirs de jeunesse vont remonter à la surface et influer sur la suite de son existence…

J’aime ce que fait Etienne Davodeau, j’ai d’ailleurs deux autres albums de lui dans ma « pile à lire » – pour utiliser cette expression moche consacrée par certains youtubeurs dits littéraires.

Je vais tenter d’autres incursions dans la bande dessinée cette année. Mais dorénavant, je vais choisir mes BD avec autant de soin que mes romans ou mes essais, car il s’avère que je n’aime qu’une infime partie de la production. A moins que j’arrive peu à peu à apprivoiser la lecture de BD loin de mes centres d’intérêt, pourvu qu’elles soient faites avec talent…

* peut-être est-ce dans Tournée Générale : La France et l’Alcool, de Thomas Pitrel et Victor le Grand.