La dépopulation du Cantal

Le 5 janvier 2020

Le Cantal se dépeuple lentement et de façon continue depuis 150 ans, les jeunes migrant vers les villes. On s’en lamente, à raison. Mais il fut un temps où il se dépeuplait beaucoup plus rapidement et pour des motifs radicalement plus funestes qu’aujourd’hui. Voici un extrait (p.114) du Dictionnaire Statistique du Cantal, de Jean-Baptiste de Ribier du Châtelet, paru en 1824. Prendre du recul dans le temps ou la géographie incite toujours à relativiser une situation.

L’an 1503 vit encore régner une sorte de peste à Mauriac, et D. Montfort nous apprend qu’elle fut si intense, que les habitants, épouvantés, abandonnèrent cette ville où il ne resta que quatre ou cinq personnes, et se réfugièrent dans les bois et les villages voisins. Après Pâques, dit D. Montfort, pensant que la maladie était éteinte, ils se hasardèrent à y rentrer ; mais elle y reparut presque aussitôt, devint plus meurtrière qu’elle ne l’avait encore été, et ne cessa que l’année suivante. Pendant ce temps, la population de Salers s’efforçait d’empêcher le fléau d’arriver jusqu’à elle, et, appelant le ciel à son aide, faisait un vœu qu’on trouve consigné, à la date du 29 mars 1503, dans le registre des délibérations du corps communal déposé aux archives de cette ville. Elle ne put cependant s’en préserver ; il l’envahit en 1520 ; plus de quatre cents de ses habitants en furent victimes et les autres se dispersèrent dans les forêts , comme avaient fait leurs voisins quinze ans auparavant. La peste reparut dans les environs de Mauriac en 1530 et en 1558. Enfin, en 1628, suivant les annales manuscrites de la ville d’Aurillac, une nouvelle maladie épidémique, à laquelle on donnait le nom de fièvre rouge, vint fondre encore sur la Haute-Auvergne. Elle sévit à Aurillac, à Saint-Flour et à Mauriac, enleva plus des deux-tiers de la population ; puis, se généralisant, s’étendit sur les autres provinces du royaume , « où elle devint si meurtrière , dit le docteur Pegeoux, qu’en bien des lieux elle laissa les champs vides de colons et les villes de citoyens.
[…]
En 1700, la France n’avait que 19.669.520 habitants, et les trois élections d’Aurillac, de Saint-Flour et de Mauriac, que 125.514. Il y a donc eu dans le royaume, en général, et particulièrement dans la Haute-Auvergne , du XIVème au XVIIIème siècle, une énorme dépopulation. Ce fait singulier, mais incontestable, a eu sans doute pour cause les épidémies dont nous avons vu les fréquentes irruptions ; la guerre d’extermination que se firent les Anglais et les Français pendant cent seize ans consécutifs, et l’interruption des travaux agricoles qui en fut la conséquence ; le brigandage qui dévasta le royaume pendant tout ce temps, « au point, » dit Villaret , que les laboureurs furent presque détruits , et que plusieurs contrées restèrent inhabitées ; les guerres de religion qui suivirent la révocation de l’édit de Nantes ; enfin la guerre de succession. Il est à croire que la population ne reprit partout une marche ascendante qu’avec le calme et la paix qui suivirent ces grands événements.

Illustration : Le Triomphe de la Mort (1562) de Pieter Brueghel.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *