Chalandon, Bond, Piketty

Le 9 octobre 2021

C’est le livre qui est en train de mettre tout le monde d’accord, les critiques et le public. Toujours en course pour le Goncourt 2021, « Enfant de Salaud » de Sorj Chalandon est une claque. Largement autobiographique, l’auteur y explique comment il retrace le parcours de son père pendant la seconde guerre mondiale. Il le fait en parallèle du procès d’assises de Klaus Barbie qui s’est tenu au printemps 1987, et qu’il couvre en tant que journaliste. Le roman s’ouvre sur la rafle des enfants d’Izieu. En quelques pages, l’émotion nous étreint, et elle ne nous lâchera plus jusqu’à la fin des 330 belles pages d’une écriture fluide. Mon coup de coeur littéraire pour cet automne. A lire pour se remémorer le procès du « boucher de Lyon » qui fut un important moment d’histoire, mais aussi suivre Chalandon dans sa quête de vérité face un père désespérément menteur, manipulateur, au passé trouble.

Un mot sur Mourir peut Attendre, le dernier James Bond sorti mercredi. C’est un film de filles ! Le scénario brosse dans le sens du poil les minorités et trahit la personnalité du héros de Ian Fleming. Difficile d’en dire plus sans « divulgacher ». C’est le plus long film de toute la série (2h43), l’un des plus ennuyeux également. Si vous n’avez pas vu Dune, allez-y plutôt et faites l’impasse sur ce 007 de réforme, en espérant que le prochain revienne aux sources de la série après cet égarement coupable.
A propos de 007, je vous suggère cette vidéo du Monde qui explique brillamment pourquoi les musiques des différents films se ressemblent presque toutes.

Toujours dans Le Monde, encore une tribune de Thomas Piketty, qui est un habitué des colonnes du quotidien, de référence disait-on. Je ne les lis plus guère, le titre me suffit. Il y a souvent dans ces billets une forme d’injonction, d’urgence absolue, et même une pointe de mépris pour ceux qui ne prendraient pas conscience de cet impératif de rapidité. Piketty est dit-on un grand économiste, de gauche, un peu obsédé par les milliardaires qu’il exècre (et c’est réciproque). Mais il quitte volontiers le domaine économique pour s’inviter sur un peu tous les sujets. Quel que soit son thème d’intervention, il trouve invariablement un motif d’urgence à appliquer ses idées. Or, dans nos vies de plus en plus figées dans l’instantanéité, le recul patient sur les prises de paroles répétées offre parfois des surprises. Ici, simplement grâce au (piètre) moteur de recherche du Monde, j’observe que M. Piketty a l’injonction facile, et la certitude leste d’être maître du temps, surtout celui des autres.

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– 11 septembre 2021 : « Il est temps d’abandonner la notion de guerre des civilisations et de la remplacer par celles de codéveloppement et de justice globale »
– 13 mars 2021 : « Il est urgent de mettre en place un véritable modèle de lutte contre les discriminations, qui mesure le racisme »
– 13 février 2021 : « Les milliardaires sont partout dans les magazines, il est temps qu’ils apparaissent dans les statistiques fiscales »
– 09 janvier 2021 : « Pour comprendre ce qui s’est passé au Capitole, il est urgent de revenir à l’histoire »
– 09 mai 2020 : « Après la crise, le temps de la monnaie verte »
– 10 avril 2020 : « L’urgence absolue est de prendre la mesure de la crise en cours et de tout faire pour éviter le pire »