Essais et erreurs

Le 27 janvier 2020

Je viens encore de rédiger un papier que je n’ai finalement pas posté ici. J’y ai pourtant passé du temps. Beaucoup trop de temps pour que ce soit bon. J’ai remarqué que lorsque j’écris quelque chose qui me vient facilement, c’est toujours meilleur que si je dois y travailler encore et encore. Parmi les auteurs illustres, il y a les deux écoles. Ceux qui écrivent de façon presque naturelle comme Aragon, d’un jet, très peu de ratures, c’est assez impressionnant. Et puis il y a les besogneux comme Flaubert, qui raturent, gribouillent, surchargent, rayent ou déchirent des pages entières, réécrivent plusieurs fois, jusqu’à ce que tout soit parfait. Pour le vulgum pecum, les efforts d’amélioration ne se voient pas toujours sur le résultat final, ce qui est injuste pour les besogneux, et une aubaine pour les surdoués.

Pour ma part, plus je retravaille un article de blog, et plus j’ai du mal à fournir quelque chose de clair, de fluide. A force de vouloir améliorer une formule, alléger une phrase boiteuse, ajouter ici un adjectif, là une métaphore, insérer une proposition ou un commentaire, j’aboutis le plus souvent à un texte médiocre car difficile à suivre en première lecture.

J’avais préparé deux pages pour une lettre de démission à envoyer au Conseil d’Administration de Clermont Auvergne French Tech, et finalement j’ai trouvé ça tellement mauvais que j’en ai supprimé plus des trois quarts. J’ai préféré aller à l’essentiel en une dizaine de lignes. Droit au but comme disent mes futurs voisins. J’avais imaginé une longue digression pour rappeler les débuts de la tech clermontoise telle que je l’avais vécue en l’an -3 ou -4 avant Google. Mais ça faisait ancien combattant, c’était forcément partiel, j’aurais oublié plein d’acteurs de cet écosystème, et puis ça n’aurait eu d’intérêt que pour les personnes citées. A la trappe.

En général, je garde en stock les écrits médiocres non publiés quelques jours, car c’est douloureux de supprimer tout de suite un bout de texte sur lequel on vient de suer longuement. Ca me donnerait l’impression d’avoir été victime d’une coupure de courant sans avoir préalablement sauvegardé mon fichier LibreOffice Writer. C’est arrivé à tout le monde un jour, et c’est une sensation légitimement désagréable. J’ai déjà vu des claviers détruits pour moins que ça. Finalement après deux ou trois jours, les scrupules passés, tous mes rebuts finissent inexorablement à la poubelle.

Peut-être que je devrais écrire sur une feuille blanche plutôt que sur mon PC. Ca pourrait m’éviter ce syndrome de la sauvegarde. Je choisirais un joli papier, d’un grammage noble, et m’armerais d’un stylo-plume à l’encre « violette pensée » adapté à une belle écriture. Ca me rappelle Yann Queffélec qui, inspiré, déclarait l’autre jour à un journaliste :
<< J’écris sur un papier pas tout à fait blanc fabriqué par des femmes sur les berges du fleuve Amour, dans la plus vieille papeterie de Chine. >>

C’est magnifiquement dit, mais c’est probablement n’importe quoi. C’est le problème des écrivains, on aime ce qu’ils nous disent, qu’importe si c’est vrai ou faux. La vérité n’est rien par rapport à la beauté de l’histoire et au rêve qu’elle suscite…

Extrait du manuscrit définitif
de Madame Bovary

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