Des livres sous le sapin

Le 24 décembre 2019

Aujourd’hui, l’information est ubiquitaire. Grâce au net et aux smartphones, chacun a dans sa poche l’ensemble des éditoriaux des journaux imprimés, tous les articles de fond des meilleurs journalistes, les replays des derniers journaux radiodiffusés ou télévisés, sans oublier l’information brute des chaînes d’actualité en continu, véritable déversoir de faits divers sordides, et de bulletins alarmants montés en épingle par de frénétiques journalistes en manque de likes et des clics. Et dire que, malgré tout cela, il nous arrive encore de manquer des informations capitales.

Tenez, moi par exemple, pas plus tard que ce matin, je prends place dans la minuscule salle d’attente de ma coiffeuse, histoire d’être à peu près présentable pour l’arrivée du Père Noël. On a beau se dire que le pauvre homme en a vu d’autres, on a malgré tout sa fierté. En attendant mon tour, plutôt que d’allumer mon Samsung comme un ado qui checkerait si Kevin a bien retweeté la photo cachée de la prof de maths dévoilant involontairement son string pendant le tracé d’une parabole tout en haut du tableau, j’ai décidé de tendre négligemment le bras vers la table basse. J’ai touillé la pile désordonnée de vieilles revues, tel Jean-Pierre Foucault mélangeant les boules avant le tirage du loto, puis j’en ai victorieusement ressorti un numéro de Paris Match prometteur. On y annonçait le mariage princier d’un descendant de Bonaparte. Du grand journalisme. Un véritable article d’investigation ne pourrait pas me faire de mal. Mais en tournant les premières pages, j’ai subitement oublié mon objectif initial lorsque je suis tombé sur un papier sur Patrick Balkany, cet élu incarcéré depuis quelques mois, dans lequel certains levalloisiens irréductibles persistent étrangement à voir un nouveau Dreyfus. On a les héros qu’on peut.
Et c’est là que j’ai découvert l’info capitale que j’avais ratée : Patrick Balkany a relu tous les SAS !
Le milieu carcéral a donc des vertus insoupçonnées pour ce qui est de diffuser au plus grand nombre le goût de la lecture. On pourrait chipoter en disant que les SAS ne sont pas de la littérature, mais quand même, saluons l’effort. On pourrait aussi objecter que la série de romans d’espionnage compte environ 200 épisodes, et que les avoir lus tous depuis son incarcération supposerait d’en dévorer deux par jour, sept jours sur sept, ce qui semble humainement difficile. Comme quoi, l’artiste de Levallois n’a pas perdu l’habitude de s’arranger avec la vérité. Mais là n’est pas l’important.

L’important, c’est que ce soir c’est Noël, et que la majorité des gens qui vont recevoir des livres en cadeau seront déçus ! Oui, car un sondage nous apprenait récemment que 5% seulement de la population française souhaitait recevoir des livres pour Noël, tandis que 38% de la même population comptait en offrir ! N’y aurait-il pas un peu d’hypocrisie dans tout cela ?

Alors à vous qui serez déçus, je vous propose d’essayer quand même de lire l’ouvrage qu’on vous a offert. Ne serait-ce que quelques pages. Pas par politesse, mais pour vous. Il faut au moins avoir lu cinquante pages pour savoir véritablement si on va aimer un roman, mais moins de dix pour savoir si on va le détester. Si vous n’aimez pas trop, persistez un peu. Mais si vous détestez, donnez-le sans attendre à quelqu’un qui le lira ! Le drame de certains auteurs très réputés, c’est d’écrire des livres qui se vendent mais ne se lisent pas. C’est le cas des prix littéraires qui remplissent admirablement bien une bibliothèque, mais on serait surpris du pourcentage de lecteurs de ces prix en rapport au nombre d’exemplaires vendus…

Si vraiment vous n’avez pas du tout envie de lire, il vous reste une dernière option : n’abîmez surtout pas le papier-cadeau, remettez précautionneusement le livre dedans, et glissez ce cadeau sous un autre sapin dès demain !

En attendant, je vous souhaite à tous d’excellentes fêtes de fin d’année. Une pensée spéciale vers tous ceux qui seront seuls ou éloignés de ceux qu’ils aiment, et pour qui les fêtes ne seront pas ce qu’elles devraient toujours être : un moment de joie, de partage et de paix.