38ème jour

Le 23 avril 2020

Aujourd’hui jeudi 23 avril 2020, 38ème jour de détention pour Myriam, Jade, et Sébastien P.. Les otages français retenus à Toulousette n’ont toujours pas été libérés.

Les journées succèdent aux nuits. L’une de nos préoccupations majeures est désormais la météo ou le nombre quotidien de morts du covid-19. Va-t-il y avoir un rebond aujourd’hui ? Ou bien la courbe va-t-elle continuer à baisser ? Quelle est la tendance actuelle ? A écouter les commentateurs prolixes, je me prends à imaginer que Jean-Pierre Gaillard est sorti de sa retraite pour nous commenter les variations des principaux indices depuis le Palais Brongniart. Sauf que cette fois, il s’agit de morts…

On ne sait plus trop quel jour on est. Il n’y a plus de jours de la semaine et plus de week-end. Comme si on était restés bloqués sur un perpétuel et morose lundi. Plus de matin et plus d’après-midi. Plus de travail et plus de vie familiale. Toutes choses égales par ici. Le rêve des égalitaristes. La vie est devenue plate. Ca me rappelle « The World is flat », le best-seller de Thomas Friedman, ce prophète de la mondialisation. Maintenant, il écrirait « Life is flat ». Triste, insipide. Notre décor est toujours le même. Notre environnement morne. Les rares individus que nous côtoyons encore sont toujours les mêmes. On ne se coiffe plus guère, plus la peine, on s’habille débraillés comme Mark Zuckerberg, certains d’entre nous ne se lavent plus qu’un jour sur deux. Nous sommes en voie d’animalisation.
Une vie devant la télé, le PC ou la tablette, le nez à la fenêtre, devant Netflix ou Disney+, est-ce que ça compte comme une vie ou bien une parenthèse ? Comme Jade quand elle dit « Pouce ! ». Nous rendra-t-on nos deux mois perdus ? Car pour l’instant, on ne vit plus, on passe le temps. Et celui-ci nous apparaît de plus en plus long. C’est de plus en plus difficile à accepter et à vivre. Beaucoup de gens n’en peuvent plus de rester chez eux. Et c’est normal parce que nous vivons en fait une espèce de torture mentale. Je n’exagère pas. L’écrivain autrichien Stefan Zweig y fait allusion dans Le Joueur d’Echecs. A la toute fin des années 30, son héros, un avocat de personnalités politiques en vue, est mis en prison par les nazis. Enfin, quand je dis prison, c’est en fait un confortable hôtel. Sa chambre est agréable, mais sa porte est fermée à clé nuit et jour. Pas la moindre distraction, et il ne voit personne d’autres que ses geôliers qui de temps en temps viennent le soumettre à la question. Au bout de quelques semaines, sa vie devient d’un ennui insupportable, puis en quelques mois un enfer qui le consume. Seule planche de salut : un bouquin dérobé qui décrit 150 parties d’échecs de grands maîtres internationaux. Rapidement, ce jeu devient son ultime raison d’être, et le transforme en accro monomaniaque. C’est sans doute ce qui nous guette tous. Mais si le héros de Zweig devient un champion des échecs, que sommes-nous en train de devenir ?

Je me demandais ce qui allait se passer après le confinement. Je veux parler des conséquences politiques. Parce qu’il est inimaginable que nos politiques ne payent pas pour notre enfermement de deux mois, qui est la conséquence directe de leur apathie. Le confinement aurait dû se passer derrière des masques comme en Corée du Sud, et pas dans nos maisons. On nous a menti sur les masques, menti sur les tests. Déjà plus de 600 médecins ont porté plainte au pénal contre l’état. Et il semblerait bien que la colère monte de plus en plus, pas seulement chez les soignants. Le confinement, s’il assèche nos esprits, est en train d’assécher également l’électorat de Macron et d’essorer Philippe. Mais pas sûr que l’éviction programmée du barbu bicolore suffise à apaiser la colère du peuple.