S'enrichir de la différence

Le 26 avril 2020

Je suis né blanc, dans le Cantal des années 70, un territoire mono-culturel et mono-éthnique, c’est encore assez vrai aujourd’hui. L’état civil est rempli de Chassang, de Delpeuch ou Delpuech, de Muret, de Rodde, de Durand, de Dufayet, de Valentin, de Ramadier, de Conort, de Roux, de Delcher…. Les prénoms, tous les saints du calendrier : Jean-Louis, Marcel, Gérard, Antoine, Jean, Marie, Catherine, Yvonne, Michel, Marguerite, Martin, Madeleine, André…

Je suis issu d’une famille de blancs, elle-même issue d’une multitude de familles de type caucasien vivant depuis au moins dix générations dans une zone de moins de cinquante kilomètres de rayons, qui engloberait ce qu’on appelait autrefois le Bailliage des Montagnes d’Auvergne, et le Comté du Gévaudan. 23andMe a sans surprise confirmé cette origine européenne à 99,6%. Pour les 0,4% restant indéfinis, le doute est permis. Bref, un vrai gaulois descendant en ligne directe de Vercingétorix.

Pendant ma scolarité, je n’ai quasiment croisé que des blancs. Ni asiatiques, ni arabes, ni noirs. Seule exception, au lycée, un jeune africain de 27 ans était venu suivre les cours de 1ère B pendant quelques trimestres. D’origine sénégalaise ou ghanéenne, on l’avait fait venir en France seul, pour jouer au foot dans un club de niveau régional sans envergure. Mais en dehors de cette exception, on ne peut pas dire que je sois très familier des destins d’immigrés africains. Moins par manque d’intérêt, que par manque d’opportunités. Ou peut-être faut-il incriminer un manque d’ouverture de ma part, soyons honnête.

Je viens de terminer Debout-Payé, le livre à succès de Gauz, sorti il y a quelques années. Le sujet principal du livre est le métier de vigiles. L’auteur a en effet exercé cette activité au magasin Sephora des Champs-Elysées. Il décrit son quotidien ainsi que son histoire dans ce roman agréable et aux anecdotes croustillantes. Mais ce qui transparaît dans cette oeuvre autobiographique, c’est surtout ce destin d’immigré ivoirien qui m’a totalement ouvert à cette réalité. Si vous cherchez un livre pour vous dépayser, celui-ci est surprenant, et par moment très beau et poétique. J’imaginais y découvrir les métiers de la sécurité, ainsi qu’un quotidien ennuyeux que j’espérais par certains côtés semblable à celui de notre confinement actuel. C’est en tous cas ce que laissait augurer le titre de l’ouvrage. Au lieu de cela, j’ai surtout apprécié une belle plume, une culture, une énergie et une puissante envie de vivre et de réussir. Si un livre est une fenêtre ouverte sur le monde, celui-ci en est l’un des meilleurs représentants.