Sosie et lectures

Le 18 août 2020

– Vous ressemblez à Thierry Lhermitte, on ne vous l’a jamais dit ?
– Jamais… Les yeux bleus, peut-être ?
– Quand même, il y a une ressemblance évidente… Bon, j’vais vous mettre du contreplaqué en 25mm. Donc on a dit 100 par 10 en 25. Je vous découpe ça de suite.

Moi qui ne suis pas bricoleur, je n’imaginais pas qu’aller à Bricomarché pouvait être aussi divertissant. Beaucoup plus que les travaux eux-mêmes. C’est sûrement pour cela qu’il y a de plus en plus de bricoleurs du dimanche.

A la réflexion, je ne sais pas comment je dois prendre cette remarque. Etre le sosie d’un acteur de vingt ans plus âgé que moi, est-ce enviable ?
Mais d’abord, il faut savoir à quelle version de Lhermitte je ressemble.
Est-ce que je suis la version contemporaine, quasi-retraité paisible qui éthologise les chevaux, une casquette rouge « Cantal Auvergne » vissée sur la tête, et qui descend parfois à Aurillac pour bisouiller sa majesté Bruno 1er ?
Ou bien est-ce que je ressemble plutôt à Popeye dans Les Bronzés ? Je veux bien être le playboy ringard mais à succès. Ou alors serais-je Pierre Mortez, le coincé dépressif du Père Noël est une ordure ? A choisir, je préférerais incarner Pierre Brochant dans Le Dîner de Cons, le film qui m’avait fait le plus rire au ciné. Lhermitte avait 46 ans, mon âge. Ca se tient.

A partir de maintenant je suis Pierre Brochant. Je vais me mettre à organiser des dîners de cons à Aix. On va commencer doucement avec des dîners de petits cons, de simples compétiteurs de quartiers, puis on gravira progressivement les échelons de la connerie pour finalement donner des dîners internationaux avec des champions de classe mondiale. Et tout le gratin marseillais se pressera à nos soirées pour venir admirer la bête, comme on se pressait jadis dans les foires pour observer les nains, les femmes à barbe, Elephant Man ou la vénus Hottentote.

J’ai terminé le dernier Dicker, L’énigme de la Chambre 622. Péniblement. Car si ça commençait plutôt bien, mon appétit s’est sévèrement asséché au fil des chapitres. Il faut dire que l’auteur use et abuse des ruptures temporelles : 15 ans plus tôt, la veille, trois ans plus tard, la veille du meurtre, trois jours avant, 10 ans après… C’est insupportable. Ce qui aère habituellement un récit qui serait trop linéaire, ici confine à l’absurde. Cher Joël Dicker, une rupture temporelle après trois paragraphes, c’est beaucoup trop. Enfin, l’histoire est totalement rocambolesque : c’est impossible d’y croire un instant. Et comme le style très conversationnel ne sauve pas le roman non plus, je me demande comment Dicker a pu passer de son premier roman – La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert – qui était une vraie pépite, à celui-ci qui est franchement lourd, avec même quelques minauderies à la Marc Lévy qui m’ont provoqué des haut-le-coeur. Je crois que ce sera mon tout dernier Dicker.

Dans la foulée, j’ai lu le dernier essai d’Edgar Morin, dont la pensée est louée par beaucoup de nos contemporains. Autant ne pas vous le cacher, ce petit opuscule nommé « Changeons de voie : les leçons du coronavirus » m’a laissé de marbre. D’abord parce qu’il est très peu question du coronavirus, comme si le bouquin était prêt avant la pandémie et que l’auteur avait vite ajouté une introduction – la partie qui m’a le plus intéressé – et parsemé quelques vagues allusions au covid-19.
J’ai trouvé dans ce texte une successions de banalités, de clichés et de pensée consensuelle et politiquement correcte, angéliste et universaliste, et à l’occasion empreinte d’un fond de nostalgie communiste difficilement admissible. On trouvera quand même quelques idées plus originales comme la légalisation totale des drogues au plan mondial (p.120), dont je vous laisse imaginer les conséquences sur la santé de nos concitoyens si chacun peut aller chercher son shoot d’héroïne au bureau de tabac du coin…
Autre idée utopique, idéaliste et sidérante : la libre circulation des individus partout dans le monde. Morin imagine une instance de l’ONU qui pourrait orienter les migrants dans n’importe quel pays, et particulièrement en Sibérie et au Canada, où le réchauffement climatique rend fertiles certaines terres autrefois inexploitables (p.123). On n’a pas encore demandé leur avis à Poutine et Trudeau, une simple formalité.

Enfin, quelques solutions bureaucratiques sont émises. Là les bras m’en sont tombés. Il est fait allusion à la création d’un conseil de l’écologie, d’un conseil de l’avenir, et d’un conseil des Ages, et à l’échelon local de conseils communaux. En quoi la création de conseils ou de commissions Théodule sont-elles des solutions ? Dans notre état hyper-technocratique, n’y en a-t-il déjà pas assez ?

Pour finir, je ne vous épargnerai pas l’inanité de la pensée de Morin concernant le numérique, expédié en deux paragraphes, dont voici donc un très large extrait : « Il semble bien que la propagation du numérique, déjà en cours et amplifiée par le confinement, va perdurer ».
Non, sans blague ?

Il me semble que les essais qui sont parus suite au confinement sont tous plus ou moins mauvais. Le seul qui émerge du lot est peut-être celui de De Villiers, écrit avec panache, assez drôle, et rude pour nos dirigeants qui le méritent bien.

N’oubliez pas, ce soir, il y a match. J’ai commandé un pyjashort du PSG.

Commentaires

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  1. Bergé Franck

    le 22 août 2020

    Merci Sébastien pour ces créations récréatives nous annonçant le week-end.
    Pour tes dîners, si tu es en peine de potentiels je peux te mettre en relation avec de vraies pépites… Mais te connaissant tu as un réseau suffisamment vaste !

  2. lightman

    le 22 août 2020

    héhé, merci Franck, je te note comme personne-ressource ! 🙂