L'inaptitude aux rencontres

Le 21 mai 2021

Je souffre d’une forme d’inaptitude aux rencontres, une difficulté à créer du lien social avec les autres. C’était peut-être moins vrai lorsque j’étais enfant, ou alors je ne m’en rendais pas compte. Aller vers l’autre, parler à des inconnus, cela n’est pas naturel pour moi et me demande même un considérable effort. Est-ce une extrême timidité ? Ou même une forme légère d’autisme ? Les psychiatres pourraient peut-être me classer dans leurs patients souffrant de troubles du spectre autistique sans déficience intellectuelle. Ou avec ? Ca reste à vérifier. Je suis une sorte de Rain Man du pauvre, qui aurait une partie des difficultés de communication du héros incarné par Dustin Hoffman, mais sans ses fulgurances cognitives… Ce propos m’évoque une performance de Bertrand Renard, le Monsieur Chiffres de l’émission Des Chiffres et des Lettres qui est capable de mémoriser les dates de naissance d’à peu près n’importe quelle personnalité, et qui en montrait un aperçu tout à fait épatant, en direct dans l’émission L’assiette Anglaise de Bernard Rapp dans les années 80. Je n’ai pas ce genre de capacités hors du commun qui pourraient expliquer mes difficultés de communication..

Je me suis rendu compte de cette déficience peu à peu, notamment dans ma vie professionnelle qui me demandait de sortir de ma zone de confort, laquelle se limitait alors à un cercle d’un mètre de diamètre autour de mon PC. J’exagère à peine. J’étais terrorisé pour passer un coup de fil à un inconnu pour lui présenter nos services. Les salons professionnels avaient tendance à me paniquer : si j’assurais bien les rendez-vous pris à l’avance, je n’étais en revanche pas du tout à l’aise pour aller aborder les gens sur leurs stands, et encore moins à l’aise si c’est moi qui tenais le stand. Du coup, à force d’errer dans les allées sans but, sans oser m’approcher, je choisissais alors de suivre une conférence, ou même finissais par rentrer à l’hôtel. Vous comprenez pourquoi j’aime beaucoup les héros de Houellebecq ?

Prendre la parole devant les salariés était une épreuve redoutée, bien plus que de m’exprimer dans un media aussi populaire soit-il ; car dans un cas, je devais me livrer, dans l’autre, je n’avais qu’à répéter une communication bien huilée qui ne demandait guère d’effort. Je récitais ma leçon, même les autistes peuvent le faire sans peine.
J’ai rencontré mes deux associés de jeuxvideo.com par messagerie électronique, de nombreux mois avant de les voir en vrai. C’est une chance, sinon JV n’aurait jamais vu le jour.
Je suis marié avec Myriam pour des quantités de raisons. L’une des plus importantes sans doute, c’est sa faculté incroyable à créer du lien, à inspirer confiance, à se faire de nouveaux amis. Elle inspire une sympathie spontanée. Difficile de savoir pourquoi. Elle n’a pas peur d’aller vers les autres, de leur parler. Dans le sud, les gens sont plus naturellement enclin à bavarder. L’autre jour en déposant mes articles sur le tapis roulant chez Carrefour, un monsieur âgé devant moi m’interpelle : – Vous mangez bio ? Spontanément j’avais envie de lui répondre : – De quoi je me mêle ?, mais j’ai préféré un oui de diplomate : – On essaie. S’ensuivit une tirade sur le bienfondé ou non du bio, sur les conséquences sur l’environnement, puis celles prouvées ou non sur notre santé. Et puis, le Monsieur paya et partit, me laissant interloqué. Ces petits échanges impromptus arrivent tout le temps ici, c’est assez étonnant, les gens ont un besoin viscéral de se parler. Sans doute les habitants de la montagne comme moi réfrènent ce besoin, pour plein de raisons historiques, familiales, psychologiques. Tout ça pour vous dire que Myriam n’est pas comme moi dans ce domaine. Et heureusement, car si j’avais une femme à mon image, nous vivrions en ermites désocialisés, avec pour unique compagnie une collection affolante de machines numériques – quelle triste vie.

Notez qu’après l’épisode jeuxvideo.com, la plupart des activités que j’ai choisies mettent la communication au centre. Qu’il s’agisse de l’animation de Cantal Business Angels, la création de l’incubateur Catapulte. Mieux encore, lorsque j’ai animé le club APM du Cantal. J’ai d’ailleurs accepté cette mission comme un challenge, je savais que ce serait difficile de prendre la parole chaque mois devant un parterre de chefs d’entreprises, d’animer les séances en présence d’un grand témoin, souvent une personnalité reconnue au plan national ou international. Je savais que je devrais prendre sur moi. Je me suis vite rendu compte que je n’avais pas le profil type lorsque j’ai participé aux séminaires d’animateurs APM. La plupart étaient des femmes travaillant dans la communication, le coaching, ou la psychologie. J’ai énormément appris. J’ai été un animateur qui a assuré la transition après mon prédécesseur, le fondateur du club, qui était plus cultivé que moi, après une brillante carrière nationale au sein d’un grand groupe pétrolier, mais qui était probablement encore plus démuni – ça arrive – en termes de communication. J’ai fini par comprendre qu’on ne pouvait pas se changer totalement. Et ma fonction au sein de l’APM que les autres animateurs vivaient comme une chance, je la vivais comme une contrainte pesante, ou plus exactement stressante. Je crois que si on peut faire des efforts, on ne peut pas totalement changer sa nature. Ou en tout cas, ça prend du temps. J’ai fait quelques progrès, mais je ne suis devenu ni un bon communicant, ni un orateur, ni un véritable animateur…

Mais je n’ai pas renoncé à m’améliorer encore, et puis j’ai besoin d’aller vers les autres en cette période post-covid où on va pouvoir se faire des amis provençaux. C’est la raison pour laquelle je suis en train de lire le dernier livre du philosophe vulgarisateur Charles Pépin, intitulé La Rencontre. Pourquoi les rencontres permettent-elles « d’intensifier nos vies et de nous révéler à nous-mêmes » ? Comment se rendre disponible pour elles, les rendre possibles, les provoquer ?
Je suis motivé, je vois mon objectif au loin. « La route est droite mais la pente est forte » comme disait Raffarin.

PS : Pas la peine de me conseiller l’excellent Comment se faire des amis ? de Dale Carnegie, je l’ai déjà lu. Pertinent mais daté.

Commentaires

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  1. Vidal

    le 21 mai 2021

    J’ai aimé ce que tu as exprimé . Je suis comme toi .

  2. Phil

    le 21 mai 2021

    Si tu cherches un correspondant ibérique, je suis ton homme 🙂

  3. Christian

    le 6 juin 2021

    Salut Sébastien. On est comme on est, on est tous différent et heureusement. Cela ne t’ a pas empêché de réussir, donc pas de problème ! Tu m’ as très bien reçu à Aurillac un Matin de Juin quand je t’ avais parlé de mes projets. Réservé ou pas réservé, tu m’ as bien écouté, bien conseillé, j’ ai apprécié cet échange et je suis très heureux d’ avoir gardé le contact avec toi, pourtant on n’ a été en face qu’une heure. Peut être parce que je suis un peu comme toi.
    Oui en Provence on a le contact plus facile, mais peut être plus superficiel, l’ exemple de ton Monsieur à Carrefour est un bon exemple. Quand j’ ai vécu près d’ un an à Aurillac, j’ ai eu effectivement moins de ocntact, mais ils étaient sans doute plus profond, d’ ailleurs quand j’ y retourne, on se rappelle de moi et cela me fait très plaisir.
    Tu vas rencontrer du monde, c’est obligé. Quand on a 20 ans c’ est peut être plus facile, à nos ages les gens ont leurs vies et ne font peut être pas assez attention aux nouveaux. La salle de sport est un moyen pour connaitre du monde, le milieu associatif, les parents des copines de tes enfants…

  4. lightman

    le 7 juin 2021

    Christian> Merci de ton message, effectivement les parents d’élèves sont une bonne source d’amis !