Le new deal vert mondial

Le 30 novembre 2019

Avec le recul sur l’époque des pionniers du web, pendant les années 90, je ne peux que reconnaître avoir eu beaucoup de chance comme entrepreneur, car le timing était parfait. Notre entreprise, jeuxvideo.com, était poussée par deux courants porteurs extrêmement puissants : le marché du jeu vidéo en pleine croissance et celui du net qui émergeait à peine, mais allait lui aussi exploser. Je dis que j’ai eu beaucoup de chance, non que j’attribue le succès de cette belle aventure uniquement à la chance. Mais il faut reconnaître que peu d’occasions comme celle-ci se présentent dans l’histoire : un marché émergent mondial qui va exploser, et arriver à prendre le train en marche dès les prémisses. Aujourd’hui, il est beaucoup plus difficile de créer son entreprise à succès sur le net que lorsque nous le fîmes en 1997. Beaucoup plus de concurrents, dans le monde entier, et beaucoup mieux formés et aguerris que nous l’étions à l’époque.
Une amie me le faisait remarquer d’une autre façon l’autre jour à Clermont. Appelé à témoigner du succès de jeuxvideo.com, je lui signalai que cette expérience datait d’une vingtaine d’années désormais, et que peu de créateurs autour de la table pouvaient s’imaginer les débuts de notre entreprise à l’époque des disquettes et du minitel. Elle acquiesça, en objectant que la quasi-totalité des succès de la tech auvergnate datait de cette époque : Pecheur.com, Prizee, Brioude Internet, Allegorithmic… Et trouver une start-up auvergnate à succès de moins de dix ans relevait du challenge. La création d’entreprises est donc accessible à tous lorsque le marché est en cours de création, les débutants sont les bienvenus et font souvent mieux que les groupes établis. Mais lorsque le marché est mature, ce qui est le cas du numérique aujourd’hui, les startupeurs échouent la plupart du temps, ou alors sont condamnés à choisir un segment de marché tellement étroit qu’il ne les conduira pas à une réussite fulgurante.

Il est donc important de démarrer sur un marché émergent qui favorise les néophytes, si vous voulez vous donner une chance de réussir de façon importante. Je me disais jusqu’à présent que jamais une occasion aussi belle que celle de faire jeuxvideo.com aux débuts du net ne se représenterait. Mais ça, c’était jusqu’à ce que je lise Le New Deal vert Mondial de Jeremy Rifkin.

On ne présente plus Jeremy Rifkin, économiste et prospectiviste américain, qui met ses compétences à disposition des grands décideurs de la planète par le biais de son cabinet de conseil. Il avait notamment publié il y a quelques années, La Nouvelle société de coût marginal zéro, une référence.

Dans ce nouveau livre paru en octobre, il est question des énergies fossiles : charbon, gaz et surtout pétrole. La thèse du livre, c’est que nous sommes au bord du gouffre en matière environnementale, à cause de ces énergies fossiles. Tout le monde le sait, mais il faut quand même le répéter. La biodiversité est gravement menacée, au point de faire craindre une sixième extinction massive des espèces. Le climat est en train de changer, avec des risques de catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et fortes, incendies, inondations, tempêtes mettant en péril des pays entiers. Sans oublier une hausse globale des températures qui menace tout simplement de rendre notre planète inhabitable.

Face à ces dangers majeurs pour l’humanité, Rifkin a une approche très économique. La seule façon d’éviter la catastrophe consiste, selon lui, à stopper le plus rapidement possible l’exploitation des énergies fossiles qui conduisent à des rejets de CO2 et autres gaz réchauffant l’atmosphère.
Pour les remplacer, il faut miser massivement et rapidement sur les énergies dites vertes, et en premier lieu l’éolien et l’énergie solaire. Ca tombe bien car le coût de production de ce type d’énergies est en baisse constante, au point désormais de faire jeu égal avec certaines énergies fossiles, et à terme d’être bien meilleur marché que n’importe laquelle d’entre elles.

Nous allons donc nous acheminer vers une révolution verte. Selon Rifkin, il y a une bulle financière inédite sur les valeurs boursières liées aux énergies fossiles, par exemple les producteurs et gros consommateurs de gaz, de charbon, de pétrole, ainsi que toute l’industrie pétro-chimique. Ces valeurs sont surestimées, survalorisées, surcotées. Les grands groupes comme Total, Gazprom, Shell, BP, et les autres, même s’ils tentent de se réinventer, n’y parviendront pas car ils n’auront pas l’agilité des nouveaux entrants. Et ils vont se retrouver d’ici quelques années avec des milliards d’euros d’actifs bloqués, c’est à dire des ressources qui n’auront bientôt plus aucune valeur. Lorsque l’énergie solaire coûtera beaucoup moins cher que le pétrole, on laissera le pétrole dans le sol. Il est même probable qu’on n’arrive jamais à l’épuisement des ressources fossiles, tout simplement parce que ça ne vaudra plus le coût de les exploiter.

Selon Rifkin, le mouvement est déjà enclenché au niveau financier. Certains grands fonds souverains, ainsi que parmi les plus gros fonds de pension américains commencent à désinvestir leur porte-feuille en énergies fossiles pour le réinvestir en énergies vertes. Ce sont bientôt des milliards d’euros qui vont quitter les industries pétrolières pour se reporter vers les énergies vertes. Non seulement parce qu’on n’aura pas le choix si on veut sauver la planète, mais aussi et surtout parce que ce sera plus profitable. Ce mouvement peut susciter un grand espoir, car le jour où les capitaux arriveront massivement dans les secteurs environnementaux, l’innovation s’en retrouvera boostée, ce qui conduira à améliorer considérablement les technologies dont nous avons besoin pour assurer la transition écologique. Cet effort devrait être colossal, comme en période de guerre.

Bref, il y a une occasion unique qui s’ouvre pour les entrepreneurs, comparable à la révolution internet des années 90. On va droit vers ce new deal vert mondial que décrit Rifkin. Il sera à la fois porté par les populations, suivies par l’économie et la finance. Un new deal qui devra être subventionné au début et régulé par les états, et qui va révolutionner complètement la vie du monde en une génération. On devra bientôt se passer des voitures avec des moteurs à explosion, et de toutes les industries qui émettent des gaz à effet de serre. Un boulevard s’ouvre pour les entrepreneurs talentueux qui trouveront les dispositifs remplaçant les technos polluantes et ringardes du vieux monde, pour aller vers un monde qui ne mettra plus en péril les générations futures.

Ramené à ma modeste personne, j’aimerais bien être de ce combat-là. Une fois arrivé en terres provençales, je vais me mettre en recherche d’un projet environnemental, si possible disruptif, auquel je pourrais apporter ma contribution. Je peux être très utile pour pousser l’innovation, lever des fonds, recruter, donner des perspectives, inspirer…

Après 80 premières pages pas ébouriffantes,
la suite est de très bon niveau

Commentaires

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  1. Yoan De Macedo

    le 2 décembre 2019

    Sa vision est intéressante mais je me méfie tout de même.
    Je pense notamment aux métaux rares qui deviennent justement de plus en plus rares.

    Pour fabriquer « le numérique », il en faut beaucoup, beaucoup.
    Le monde tel que Rifkin le propose est très consommateur de toutes ces ressources.
    Je pense donc qu’en parallèle, on doit revenir vers une certaines sobriété, sinon ça risque d’être compliqué. (peut-être trouverons-nous une manière de se passer de ces métaux rares).

    Tu as lu les ouvrages de Philippe Bihouix ?

  2. lightman

    le 3 décembre 2019

    Pour les métaux rares, Rifkin est soit très optimiste soit a des infos qu’on n’a pas, car selon lui, assez rapidement on saura – on sait déjà ? – faire des batteries sans métaux rares. Si j’avais le livre en version numérique, je te trouverais la citation exacte avec un CTRL F, mais en version papier, une telle recherche est un peu décourageante 🙂
    Rien lu de Philippe Bihouix, mais je le note. Je me rends compte que je suis plus intéressé par des auteurs qui décrivent des solutions dans le monde tel que nous le vivons plutôt que des solutions qui nécessitent de changer complètement de système économique, soit en gros abandonner le capitalisme, ce qui à mon avis n’arrivera pas.
    L’autre jour, j’ai écouté Pierre Rahbi, que j’apprécie beaucoup, à la télé. Pressé par l’animateur de sortir du constat décliniste et d’ébaucher des solutions, je l’ai trouvé assez embarrassé, il s’est contenté de dire : « l’amour »… Bon, il a raison, mais concrètement ça ne fait pas avancer grand chose. C’est ce qui me gêne avec les postures idéologiques dont sont friands beaucoup d’écolo : ils ont le bon diagnostic mais souvent les solutions sont soit utopiques (l’amour), soit extrêmement conservatrices (retrouver le monde d’avant la première révolution industrielle).

  3. Yoan De Macedo

    le 10 décembre 2019

    J’ai vu aussi l’émission avec Pierre Rahbi.

    Ce n’est pas que je trouve « éclatant » de revenir vers une plus grande sobriété (quoi que dans certains cas, notamment la consommation de plastique, les déchets, si).

    Mais, si cette fois, la technologie ne va pas assez vite pour trouver des solutions viables, ne faudrait-il pas avoir un plan B ?

    Philippe Bihouix a une vision intéressante je trouve car il ne veut pas perdre notre technologie non plus. Mais par exemple, il prône le fait de revenir vers des voitures moins puissantes (mais avec nos technos actuelles) pour arriver vers des consommations très très faibles.
    Refuser l’ajout d’écrans partout dans l’espace public (qui sont souvent bourrés de pub, d’infos qu’on retrouve sur nos smartphone, etc) pour garder les métaux rares pour des objets utiles, etc.

    Bref, personnellement je m’inscris plutôt dans cette pensée là. Arrêter l’escalade qui ne sert à rien, réfléchir un peu plus à la finalité des entreprises que l’on créé, leur utilité sur le long terme, ce qu’elles apportent par rapport à leur impact écologique, etc. Mais, je n’ai pas envie de retourner dans un monde sans technologie. En revanche, j’ai peur qu’à force de tirer sur la corde, tout s’écroule et que le monde entier se dise « Ah oui, peut-être qu’on aurait dû réagir avant ».