Je suis content de payer des impôts

Le 5 juin 2020

C’est une phrase qu’on entend parfois sur les plateaux de télévision : « je suis content de payer des impôts », dernièrement dans la bouche du philosophe Michel Onfray, qui dit par ailleurs des choses profondes et très justes. Sur ce point cependant, je ne suis pas convaincu.

Si le fait de payer des impôts rendait certains contribuables heureux, l’homme étant par nature désireux de maximiser son bonheur, pourquoi ne décident-ils pas de verser plus que ce que le fisc leur demande ? Que je sache, lorsque votre percepteur vous envoie votre feuille d’impôt, rien n’interdit de verser une contribution supérieure à ce qui est requis. C’est de verser moins qui est strictement proscrit.

Ainsi donc, dire qu’on est content de payer des impôts me semble un peu exagéré. Il vaudrait mieux, plus modestement, dire que les impôts sont nécessaires, que bien sûr, ça ne fait plaisir à personne d’en payer, mais il faut bien entretenir les routes, les écoles, les hôpitaux, les forces de l’ordre, les chercheurs, et redistribuer à ceux qui en ont le plus besoin. C’est donc un fonctionnement normal dans lequel chacun contribue au fonctionnement du pays, dans l’intérêt collectif et en fonction de ses ressources.

Si certains se sentent obligés de dire qu’ils sont « contents de payer des impôts », c’est je crois, pour contrebalancer le fait qu’en France, on a un problème de consentement à l’impôt. Les raisons en sont diverses :

– Nos impôts sont parmi les plus élevés au monde tous prélèvements confondus, mais c’est aussi parce que nous sommes l’un des états les plus généreux et redistributeurs, ce qui est plutôt un bon point pour faire société. Nos élus pourraient le dire de temps en temps, ça ne ferait pas de mal.

– Les impôts sont vus en France comme un dispositif punitif contre les riches. Il n’y a qu’à voir tous les gens qui réclament le rétablissement de l’ISF depuis le début de la crise sanitaire. On sait que cet impôt est faiblement rentable, mais ce serait une question de principe. Ce qu’on peut comprendre dans une certaine mesure. Si beaucoup de nos concitoyens sont dans la difficulté, une contribution des plus riches peut se justifier comme un geste de solidarité supplémentaire. Mais il faut l’expliquer comme un soutien aux plus modestes et pas le brandir comme une humiliation, comme le faisait le sinistre Christian Eckert quand il sévissait sous Hollande. Le climat anti-riches, régulièrement entretenu par la gauche en période électorale est assez nauséabond, et il n’est pas pour rien dans la fuite de certains personnages fortunés, qui se fichent des impôts qu’ils paient (certains seraient incapables de vous en donner le montant), mais personne n’aime qu’on le traite de façon méprisante ou stigmatisante.

– Enfin et surtout, notre état est plutôt moins efficace qu’ailleurs à moyens constants. Pendant la crise du Covid, on a pu mesurer la faible efficacité de notre administration médicale (l’immobilisme des ARS notamment) en comparaison de nos voisins allemands par exemple. Or, il est important que nos concitoyens soient rassurés sur le fait que chaque euro qui leur est prélevé doit être utilisé à bon escient. Ce qui ne semble pas être toujours le cas jusqu’à présent tant les décisions budgétaires et politiques sont souvent prises pour répondre à des arrière-pensées idéologiques, ou sous le coup de l’émotion. Il n’y a qu’à voir les sommes astronomiques dépensées au cours de cette crise du Covid dont on fait peser le remboursement sur nos enfants et petits-enfants. Si l’efficacité était le seul critère d’utilisation des fonds publics, les français seraient beaucoup plus enclins à payer l’impôt sereinement sans rechigner.

– Pour terminer, il faudrait réajuster à la baisse certains taux d’imposition et en contrepartie supprimer toutes – vraiment toutes – les possibilités de défiscalisation. Car elles instillent dans l’esprit du public que l’impôt est facultatif et que si l’on est bien conseillé, on peut l’éviter. L’impôt doit être obligatoire, et payé par tout le monde.

Bref, les impôts sont indispensables au fonctionnement d’un état digne de ce nom, ça ne me rend pas franchement content ou joyeux lorsque je reçois les courriers du fisc, mais mon cerveau cartésien me persuade que c’est un devoir de citoyen, comme celui d’aller voter, de payer mes contraventions, ou de respecter le code de la route.

Commentaires

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  1. Arnaud S.

    le 5 juin 2020

    Bonjour Sébastien !
    Voici un article qui va dans le sens d’une réflexion que je me fais depuis un moment 🙂
    J’ajouterais que si la volonté de l’Etat était de renforcer le sentiment citoyen qui devrait se mettre en marche lors du paiement de l’impôt, il pourrait décider d’offrir au contribuable la possibilité d’attribuer une petite part de sa contribution en libre soutien au budget de son choix. Admettons que l’on soit autorisé à choisir à quel poste on attribue 10% de notre contribution, certains choisiraient de soutenir l’éducation, d’autres la recherche, la santé, la sécurité… Je suis sûr que chaque ministère y trouverait son compte, et les citoyens auraient l’impression de payer un impôt « utile » !
    Amitiés,
    Arnaud

  2. lightman

    le 5 juin 2020

    Arnaud > Permettre au contribuable de choisir l’affectation d’une partie de son impôt, ce serait effectivement une bonne idée pour lui insuffler le sentiment d’utilité.
    Globalement, en France on a trop souvent une approche punitive, plutôt qu’une approche préventive ou explicative. Ca me fait penser au nombre de PV dressés en France pour non-respect du confinement (un impôt déguisé). De l’aveu même du ministre de l’intérieur, on a dressé 1,1 million de contraventions ! En Angleterre, on parle de seulement quelques milliers (moins de 8.500 au 30 avril). Qu’on ne me dise pas que les français sont 100 fois plus indisciplinés que les rosebifs.
    Source : https://www.liberation.fr/checknews/2020/05/16/les-citoyens-des-voisins-europeens-ont-ils-ete-autant-verbalises-que-les-francais-durant-le-confinem_1788421