C'est la guerre

Le 28 mars 2020

Le Président de la République nous avait prévenu : c’est la guerre. Je l’avais pris à la rigolade, parce que Hollande nous avait déjà fait le coup en 2015. C’est marrant, on n’a jamais été autant en guerre que depuis qu’on élit des présidents qui ne l’ont jamais faite. A chaque fois, ils y mettent un ton solennel, ils prennent leur plus grosse voix, froncent les sourcils, essaient d’adopter un air mauvais en tordant la bouche comme le philosophe américain John Rambo et déclament gravement :
« Mes chers compatriotes, nous sommes en guerre ! »
Ah bon ?

Et pourtant, avec le recul de ces deux premières semaines, je suis bien obligé d’admettre que Macron avait raison. C’est bien la guerre ! Pas une guerre de militaires, même pas une guerre sanitaire. Non, pire : c’est la guerre à la maison !
Je fais l’impasse sur les très probables conflits conjugaux dus à l’enfermement, surtout qu’on a réussi à s’épargner ça pour l’instant, mais le confinement est loin d’être terminé ! Non, je veux vous parler de la guerre des devoirs ! Chaque jour, ma fille de CM2 et nous, subissons un bombardement incessant d’exercices de maths : des calculs, de la numération, des problèmes divers, de la géométrie artistique, des opérations tarabiscotées, des exercices sur les masses, sur les fractions, sur les multiples… Sans oublier de nouveaux concepts à apprendre ! Sur 11 leçons de calcul distribuées au cours de l’année scolaire, pas moins de 4 nous ont été envoyées pendant le confinement (36%). Ce qui veut dire des notions nouvelles à faire ingurgiter à notre progéniture, nous qui ne sommes pas des pédagos.
Nous sommes assiégés à Dresde en février 1945, les profs sont dans des bombardiers de la RAF, et nous, on fait les devoirs à la lampe à huile dans une cave saxonne. A chaque impact, le plafond tremble et un peu de terre se détache des murs pour atterrir sur le cahier de Jade. Parfois, une pause de courte durée, et avant qu’on ait fini les exercices qu’on nous a déjà envoyés, voici une rafale de nouveaux PDF à imprimer. Puis ce sont les corrigés, parfois les corrigés des corrigés… Et puis, on reçoit alors de l’allemand, de l’anglais, et même de très dispensables « arts visuels »…

Je dis « nous » parce qu’en CM2, l’autonomie de l’élève est toute relative. Donc je subis les exercices autant que ma fille. Ca pourrait être un moment agréable d’échange, et ça ne l’est pas. Du tout. La conséquence de ces bombardements, c’est une durée de travail en maths à la maison qui excède le nombre d’heures de maths à l’école. Concrètement, on passe près de 3 heures par jour sur les maths, alors que le volume horaire de maths en classe est de seulement 5h par semaine (source). Alors pourquoi tant d’acharnement ? Les parents doivent-ils combler un retard pris dans le programme au cours de l’année ?

Au final, Jade n’a plus envie de travailler ; devant la difficulté de certains exercices, elle se trouve nulle, elle s’oppose. Et parfois, inévitablement ça crie, ça pleure. Et nous parents perdons aussi patience. On s’est mis – plus exactement on nous a mis – comme vous le voyez, dans une spirale extrêmement négative. On n’accepte plus cette situation et avons décidé d’en sortir sans attendre.
Dès lundi, on ne fera plus les exercices reçus de la prof de maths. On va privilégier l’utilisation de plates-formes expérimentées en e-learning et qui ont fait leurs preuves : comme la célèbre Khan Academy, traduite en 30 langues, que l’enseignement national ignore et parfois critique, mais qui est plébiscitée partout ailleurs. On va expérimenter, rien n’est figé, notre position évoluera sûrement.

Je vois finalement ce confinement comme une opportunité de nous interroger de façon générale sur l’enseignement dispensée à notre fille, sur son efficacité, sur l’adéquation entre les contenus et son niveau, sur la façon la plus adaptée de faire rentrer les connaissances dans sa petite tête, et sur son épanouissement personnel aussi. Cette péripétie nous aura permis une prise de recul, et une mise en perspective de notre accompagnement quotidien actuel. Si vous êtes dans la même situation, n’hésitez pas à partager vos expériences.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  1. Yoan De Macedo

    le 31 mars 2020

    Ton retour d’expérience m’intéresse. J’espère que tu le publieras sur ton blog. Bon courage.