Les entreprises numériques et les campagnes
Hier au cours d'un rendez-vous clermontois qui réunissait nombre d'entrepreneurs auvergnats du numérique, j'ai déjeuné à côté d'un confrère entrepreneur dont le parcours est très similaire au mien. Création d'un site web grand public, succès qui fait boule de neige, croissance d'audience exponentielle, chiffre d'affaires qui suit la même pente, énorme notoriété sur le web, embauche de plusieurs dizaines de salariés en peu de temps, puis revente de l'entreprise quelques années après. Avec Jeuxvideo.com, je considère que ce sont les deux gros succès grand public du web auvergnat historique, celui des pionniers.
Aujourd'hui, ces deux belles sociétés que nous avons fondées sont au début de grandes manoeuvres pour préparer un déménagement vers une grosse agglomération. Ce qui signifie plusieurs dizaines d'emplois numériques perdus pour l'Auvergne.
Souvent citées en exemple par les médias pour démontrer que l'on peut réussir dans le numérique en Auvergne, ces deux boîtes emblématiques vont peut-être malheureusement plier bagage.
La question que je me pose désormais, c'est : est-ce que le numérique est vraiment la solution miracle pour revitaliser les zones rurales si celles-ci n'arrivent pas à retenir leurs entreprises une fois qu'elles se sont développées ? (j'inclus Clermont dans les zones rurales : pour les investisseurs parisiens, c'est la pampa). Peut-être que oui, mais à l'une des deux conditions suivantes :
1) Il faut un dirigeant qui se batte autant pour sa boîte que pour le pays, et qui ait toute la confiance de ses actionnaires. C'était mon cas lorsque nous étions indépendants de 1997 à 2000 et que je me suis battu pour implanter l'entreprise à Aurillac plutôt qu'à Grenoble ou Toulouse, villes de mes co-associés. C'était le cas encore lorsque nous étions dans le giron de Gameloft dont les fondateurs m'avaient promis de nous laisser à Aurillac, ainsi que chez Hi-Media dont le fondateur m'avait fait la même promesse en 2006. Une promesse qu'il a d'ailleurs tenue bien après mon départ en 2012.
2) Ou alors il faut que le capital de la société soit détenu au moins jusqu'à la minorité de blocage par des personnes locales. Sans cela, une boîte parisienne aura toujours envie de rapatrier une filiale excentrée. La simple promesse d'un actionnaire peut toujours être remise en cause lors d'un changement de direction ou de stratégie…
Pas simple de réunir ces deux conditions… Mais ça marche : Qualiac (éditeur d'ERP) est solidement implantée à Aurillac depuis 1979, et elle n'est pas prête de bouger vu que son personnel est constitué majoritairement de locaux, qui détiennent en partie l'entreprise.
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