La bulle techno-financière va-t-elle éclater cette année ?
Depuis à peu près deux ans, j'entends des gens se demander si nous ne sommes pas entrés dans une nouvelle bulle financière liées aux entreprises technologiques. Il faut dire que les valorisations stratosphériques de certains rachats (celui de WhatsApp par Facebook pour 19 milliards de dollars l'année dernière) ou de certaines levées de fonds (Uber désormais valorisé 50 milliards de dollars) ne laissent guère de place au doute. Pour vous donner un ordre de grandeur, sachez qu'au cours actuel, une boîte comme Michelin vaut environ 18 milliards d'euros, Carrefour 22 milliards…
Plus récemment, les sceptiques ne font plus guère entendre leur voix discordante. Certains se sont ralliés au consensus en pensant : "ça continue à monter, c'est n'importe quoi, mais tant que ça monte"… D'autres préfèrent se taire ne voulant pas passer pour de dangereux réac' qui n'ont rien compris 🙂
J'ai l'impression qu'on a cependant passé un nouveau cap. Pour justifier ces valorisations qui ne veulent plus dire grand chose, nos marchands de rêves sont amenés à nous dire vraiment n'importe quoi.
– Ainsi, Google travaillerait sur l'immortalité. Ne me dites pas que vous croyez à leur formule magique qui prédit que l'homme qui atteindra 1000 ans est déjà né !
– Amazon qui prévoyait de livrer ses clients par drones : vous y aviez cru aussi ? Nooon ?
– Uber a annoncé récemment la création de 50.000 emplois en Europe cette année. Vraiment ? (sur Wikipedia, effectif d'Uber : 2.200), etc.
A plus petite échelle, on raconte aussi n'importe quoi quand le porteur de projet est moins entrepreneur que chasseur de prime. Ainsi cet "entrepreneur" qui m'a contacté en début d'année pour me proposer d'investir dans sa fintech française qu'il estimait à plusieurs millions d'euros alors que la boîte avait déposé ses statuts 3 mois avant et que son site était à peu près désert. Son argument massue : "c'est normal, une banque va bientôt rentrer dans notre capital". C'est tout ? Depuis quand la présence d'un actionnaire minoritaire suffit-elle à elle seule à justifier la valorisation d'une boîte ? J'ai retrouvé là le principal argument des leveurs de fonds dans les années 99-2000, au plus fort de la bulle internet. Quand on spécule, on ne peut pas justifier les valorisations autrement qu'en se comparant à d'autres valorisations déraisonnables, ou en vendant du vent. C'est comme ça qu'on crée des bulles… Je précise que la fintech en question a semble-t-il trouvé des fonds sans difficultés (mais pas auprès de moi!) ; pourvu que ça dure !
Comment et quand la bulle va éclater, personne ne peut le prédire. L'ennui, c'est que les bulles ça éclate souvent brutalement et de façon inattendue. En tous cas, les arbres ne montent pas au ciel, tout comme les hommes ne sont pas près d'être immortels…
Illustration ci-contre : le NASDAQ a dépassé fin avril son record de 2000.
le 15 mai 2015Bonjour,
Concernant le drone Amazon, est-ce que tu considères ça comme un vulgaire hoax, ou juste comme quelque chose qui ne sera pas viable technologiquement et/ou financièrement ? Jusqu’à là ça n’a pas vraiment l’air d’un poisson d’avril.
Cordialement
Lightman
le 15 mai 2015Ce n’est pas un hoax ni une plaisanterie. C’est une annonce officielle d’Amazon destinée à se faire mousser auprès des médias. Et ça marche parce que tout le monde en parle sans se demander si c’est ne serait-ce qu’imaginable.
C’est tout à fait impossible pour des raisons financières (combien Amazon paie la poste pour acheminer ses colis ? Et combien coûte un drone ?). Mais aussi des raisons de réglementation liée au trafic aérien : actuellement c’est tout simplement interdit et ça n’est pas près de changer puisque la réglementation des drones va plutôt avoir tendance à se durcir que l’inverse (pour éviter les gags de survol de centrales nucléaires par exemple).
GoogleBuzz
le 16 mai 2015Je ne soupçonnais même pas la menace d’une seconde bulle, merci pour cet article.
Je me permets de le compléter avec cet article de Rue89 qui va encore plus loin et prévoit même une seconde crise des subprimes entre 2016 et 2018 en conséquence à cette nouvelle bulle:
http://rue89.nouvelobs.com/2015/03/05/redoutez-nouvelle-bulle-internet-pourtant-y-a-bien-pire-258042
Déjà qu’on n’est pas encore remis de la crise de 2008, c’est inquiétant…
Lightman
le 16 mai 2015Merci pour le lien, il explique bien la bulle de 2000 notamment.
cantalaniac
le 18 mai 2015ne penses tu pas qu’il y a tellement d’argent qui cherche à s’investir et que le technoWeb fait rêver à des valorisations monstrueuses donc ils rêvent avec et mettent du fric dans des trucs qui n’ont pas de modele économique ?
Lightman
le 18 mai 2015Oui il y a de ça. Maintenant, les excès ne sont pas si criants qu’il y a 15 ans. Certaines valos sont délirantes, mais on a désormais affaire à de vraies boîtes pas à du vent comme en 2000.
Jiemel
le 19 mai 2015Bonjour,
Je suis tombé sur votre blog par hasard, depuis le blog de 42, lui-même découvert par hasard. J’ai bien aimé lire sur un sujet que je connais peu, voire pas du tout, avec un regard plus intérieur.
En fait, cela fait un an que le mot « entrepreneuriat » me trotte dans la tête, que je pense à son étymologie, à ce qu’il signifie. C’est à cause d’un emploi dans un supermarché tenu par un couple que j’ai mesuré pour la première fois l’intérêt, l’amour, la passion que l’on pouvait mettre en créant quelque chose. « Prendre un risque, relever le défi ». Un pan entier du mot, et le plus important, qui m’avait complètement échappé depuis ma naissance. Je n’avais jamais pensé à la manière dont les entrepreneurs vivaient leur activité. Je n’avais jamais pensé que créer une entreprise puisse relever du sens créatif, pour une raison assez égocentrique qui est que je me considère comme quelqu’un de créatif (j’écris, compose, à mon échelle) et que le monde de l’entreprise représentait pour moi l’inverse. Je voyais « l’entreprise », les « patrons », je voyais binaire.
J’ai donc pris en plein visage tout cet aspect créatif et volontaire et depuis, j’y pense et j’essaie de lire. Votre blog, que je découvre à peine, est très intéressant justement par la diversité des thèmes abordés. Le bref article (et la citation à la fin) sur le Puy du fou par exemple, qui me donne envie de lire le livre évoqué pour mieux comprendre et percevoir une telle aventure vue de l’intérieure. Et surtout de continuer à essayer distinguer les moteurs humains qui l’ont rendue possible. Ce qui est amusant c’est que chaque fois que je lis ou écoute des entrepreneurs intéressants, il y a des mots qui me parlent, des schémas, des idées qui font écho à ma pratique de l’écriture ou de la musique.
Ce qui ne fera pas de moi un auto-entrepreneur, je n’en ai ni les connaissances ni l’esprit, je pense, mais découvrir leur monde et leur vision du monde m’intéresse beaucoup et je voulais vous dire brièvement (pour ça c’est raté) que j’appréciais ce que j’avais lu de votre blog et que j’avais l’intention de continuer à le faire.
Bonne continuation en tout cas.
Lightman
le 19 mai 2015Merci Jiemel pour ton commentaire très sympa !
C’est difficile de dresser un portrait-robot de l’entrepreneur, car il n’y a pas un seul profil. Les gens ont souvent en tête des exemples d’entrepreneurs très charismatiques ou qui ont connu de grandes réussites : les Steve Jobs, Richard Branson, Marc Simoncini… Mais il y a aussi des entrepreneurs très introvertis. Il y a des gens qui ont fait de brillantes études et aussi beaucoup d’autodidactes…
Souvent, on confond un peu les entrepreneurs avec les « patrons » de grandes entreprises, qui sont souvent de « simples » managers. Qu’on se le dise : à mes yeux aucun patron du CAC40 n’est un entrepreneur !
Si on reste dans la catégorie des entrepreneurs, en dépit des grandes différences, il y a souvent un élément en commun : une petite flamme qu’on peut appeler la créativité ou la passion d’entreprendre un projet et de le mener le plus loin ou le plus haut possible. D’ailleurs, on trouve des entrepreneurs ailleurs qu’en entreprise : dans ses associations, dans la vie de tous les jours. C’est plus un état d’esprit qu’un métier finalement. 🙂