Goujaterie ordinaire parmi les chefs d'entreprises

Le 14 décembre 2015

J'ai fait une expérience étonnante récemment. J'étais à une réunion d'une vingtaine de chefs d'entreprises dont seulement deux femmes. C'est assez représentatif des assemblées de responsables de PME : toujours très peu de femmes, il arrive même parfois qu'il n'y en ait aucune.

Au cours de cette réunion, l'intervenant du jour demande un volontaire pour intervenir devant l'auditoire et démontrer par l'exemple ce qu'il vient de professer. Comme toujours en pareil cas, les volontaires ne se précipitent pas.

Un membre de l'assistance, la soixantaine, prend alors la parole et demande qu'une des deux femmes se prête à l'exercice. Voyant que personne ne bouge, il insiste et désigne une jeune femme d'une trentaine d'années. Devant la pression, celle-ci finit par accepter. Elle traverse la salle pour se rendre aux côtés de l'intervenant. Pendant ce temps, le sexagénaire commente à voix haute :
– C'est quand même plus agréable quand c'est une jolie femme qui intervient.
Quelques rires fusent.

La jeune femme visiblement gênée commence l'exercice. Pendant ce temps, le goujat continue à commenter à haute voix afin que tout le monde entende :
– Ah oui, ça valait le coup, vous ne trouvez pas ?

Puis encore :
– De toutes façons, on s'en fiche un peu de ce qu'elle raconte, non ? L'essentiel n'est pas là.

S'ensuivront encore 2 ou 3 allusions déplacées à haute voix. Au fil des répliques, les rires se sont tus, les remarques inappropriées ne faisaient plus rire personne. Mais l'indélicat prenait toujours son pied.

Un peu plus tard dans la journée, le goujat du jour en viendra même à déplorer que l'autre dame de l'assistance ait une jupe un peu trop longue à son goût. Le tout sous le ton de la plaisanterie. Evidemment…

Ce qui m'a le plus choqué dans cette histoire, au-delà de la goujaterie ou du machisme ordinaire, c'est que personne n'ait recadré l'indélicat. Je me suis cru au Moyen-Âge, quand le seigneur pouvait librement mettre la main aux fesses des paysannes voire les coincer pour faire son affaire.

Cette expérience aura eu toutefois un mérite : elle m'aura fait comprendre pourquoi quelques dizaines d'entrepreneuses cantaliennes en sont venues à créer l'association Cant'Elles qui est interdite aux hommes, et au sein de laquelle j'aurai le plaisir d'intervenir à leur demande au cours du 1er trimestre 2016. Au début, je me moquais gentiment de mon épouse qui est partie prenante de cette association. Je parlais volontiers d'association féministe… Maintenant, j'ai compris l'utilité pour ces femmes entrepreneuses de se retrouver entre elles. C'est aussi pour éviter ce genre de comportements détestables.

PS : Je précise que le goujat est parisien, n'y voyez donc pas le signe que les cantalous seraient plus mal élevés que les autres.

Commentaires

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  1. Gilles

    le 14 décembre 2015

    Ce n’est pas de la goujaterie, c’est du sexisme.
    Les mots ont un sens.
    Et ce patron était un gros con.

  2. Lightman

    le 14 décembre 2015

    J’ai hésité à employer sexisme car je trouvais que ça ne collait pas vraiment (« attitude discriminatoire adoptée en raison du sexe »).
    Mais je me rallie volontiers à ton avis, je ne vais pas me battre sur les définitions. Le constat reste le même.

  3. Marie

    le 14 décembre 2015

    C’est en fait tout à fait discriminant dans la mesure où il est sous-entendu que l’intervention intellectuelle de la jeune femme n’a aucun intérêt sans même l’avoir écoutée :-).

  4. Lisa

    le 14 décembre 2015

    Je m’étonne que tu relates tout ça en t’indignant que personne n’ait réagi mais… et toi ? Pourquoi tu n’as rien dit ?

  5. Lightman

    le 14 décembre 2015

    @Lisa> C’est une bonne question. J’ai eu un vrai cas de conscience. Dans un autre contexte, je l’aurais fait. Là je n’étais pas légitime pour le faire vu que je n’étais qu’un « invité ». Mon intervention m’aurait mis probablement en difficulté, je ne peux pas vous en dire plus.
    Manque de courage ou pragmatisme, chacun jugera. Je ne suis pas fier d’être resté silencieux, c’est certain.

  6. Lisa

    le 14 décembre 2015

    J’ai malheureusement peur que tu relates un fait très courant de « machisme ordinaire ». Personne ne se sentant à sa place (Invité ou pas qu’est ce que ça change ?! On reste dans le typique « je ne me mouille pas, je sers mes intérêts »), rien n’est donc fait contre… Merci de partager mais en tant que femme je ne vois ici rien qui va dans notre sens à part une prise de conscience de ta part. C’est un début mais…
    Réponse un peu dure de ma part mais ça me rappelle le harcèlement de rue des femmes avec la plupart des hommes qui ne disent rien parce que voilà, c’est pas leur place et puis hein peut-être bien que quelqu’un va finir par réagir ?

  7. Olivier Chambaron

    le 15 décembre 2015

    Au-delà de la démonstration totalement déplacé du  » goujat », le fait que personne ne réagisse est une réaction totalement « normale » ( je met bien des guillemets 🙂 )… ou du moins ce manque de réaction s’explique logiquement. Fait la même expérience avec uniquement le goujat, la jeune dame, et un seul autre participant masculin. tu verra que l’autre homme interviendra. Ce phénomène psycho sociologique a été très bien démontré dans une étude qui a fait l’objet d’un reportage sur France 5 Mardi soir dernier. A voir absolument en replay pour comprendre ce phénomène fort intéressant. Et aussi changer nos comportements face a une agression. Car il s’agit bien d’une agression en l’espèce.
    lien du replay
    http://pluzz.francetv.fr/videos/non_assistance_a_personne_en_danger.html

  8. Lightman

    le 15 décembre 2015

    Merci Olivier pour cet éclairage très intéressant