Doit-on tous déménager dans la Silicon Valley ?

Le 3 juin 2015

J'ai appris récemment que la BPI (banque publique d'investissement chargée d'aider les entreprises en croissance), attribuait les trois quarts de ses aides auvergnates à des entreprises situées dans l'agglomération de Clermont-Ferrand. Ce qui signifie que moins de  10% du territoire de ma belle région capte 75% des aides publiques. Dur à entendre quand on est situé en dehors de cette agglomération. Et encore peut-on craindre une concentration encore plus forte lorsque la fusion régionale entre l'Auvergne et Rhônes-Alpes sera accomplie.

Si on change d'échelle sur la carte, vu de Paris, Clermont-Ferrand est une ville mineure pour l'économie du pays, y compris dans le domaine du numérique. Après tout, notre métropole régionale n'est même pas labellisée "french tech". La plupart des décideurs parisiens voient d'ailleurs l'Auvergne comme une sorte de maison de retraite pour anciens présidents de la République, entourée de volcans éteints autour desquels jouent quelques rugbymen jaune et bleu (ou rouge et bleu pour les plus connaisseurs).
Oui, parce que Clermont, c'est la jungle vu de Paris, de la même façon qu'Aurillac c'est la jungle vu de Clermont. L'économie, c'est sur Paris que ça se passe. Pour créer sa startup, il faut être sur Paris. Le récent déménagement manu militari de jeuxvideo.com dans la région parisienne en licenciant la moitié de l'effectif aurillacois nous a malheureusement livré un nouvel exemple de cette vision assez primaire du business.

En continuant de dézoomer sur la carte, on s'aperçoit que de plus en plus de nos jeunes entrepreneurs s'expatrient désormais à Londres, ou mieux aux Etats-Unis, et en particulier dans la Silicon Valley, lieu apparemment idéal pour monter sa startup et surtout trouver des financements en abondance dit-on… Et d'ailleurs, vu de San Francisco, Paris a le charme désuet des villes de seconde zone, qu'on va visiter pour les vestiges de ses splendeurs passées. Mais pour le business, c'est en Californie que ça se passe, ou à New York… Et vu de là-bas, Paris c'est un peu la jungle, et la France pour beaucoup d'américains est un pays communiste.

Alors, dans notre monde globalisé, pour mettre toutes les chances de son côté, faut-il tous s'expatrier dans la Silicon Valley ?

Que reste-t-il aux territoires ruraux dont le nombre d'emplois se réduit et où la valeur est de plus en plus captée par des multinationales souvent américaines, qui de surcroît ne paient pas leurs impôts en France ?
Les TIC qu'on voyait en formidable outil d'aménagement du territoire sont-elles en fin de compte surtout un accélérateur de la centralisation et de l'urbanisation ?

Face à ce constat, on peut soit baisser les bras ou bien "s'indigner", positions aussi stériles l'une que l'autre. Après avoir été tenté par le renoncement et une expatriation dans une grande ville française et même étrangère (au début du quinquennat de Hollande), j'ai choisi de rester et de tenter de changer les choses.

Je suis donc toujours à Aurillac, parce que c'est la vie que j'aime et que j'ai choisie. Et parce que je crois qu'il est possible d'aider ici au développement de l'économie locale et des entreprises numériques. Et puis, j'ai une revanche à prendre sur le déménagement brutal de l'entreprise que j'ai cofondée il y a 18 ans. J'essaie donc modestement de dynamiser l'écosystème numérique local, constitué d'entrepreneurs, de financeurs, et de formateurs. Parce que j'ai envie que les jeunes puissent continuer à vivre ici, dans un environnement préservé. Cela ne sera sans doute possible que si l'on se retrousse les manches pour soutenir la création des emplois de demain.

Récemment, j'ai participé à relancer l'association "Cantal Business Angels" dont l'objectif est de financer les entreprises de croissance de notre département. Nous sommes pour l'instant une quinzaine d'investisseurs individuels, et avons déjà quelques projets de financement en vue. On va tenter d'avoir une démarche pro-active en suscitant des créations auprès de jeunes entrepreneurs, et pas seulement attendre qu'on nous sollicite. J'espère également intéresser quelques-uns des nombreux auvergnats expatriés et en compter certains parmi nos business angels.

Si cette démarche vous intéresse de près ou de loin, que vous soyez cantalien ou pas, citadin ou campagnard, n'hésitez pas à me solliciter pour en discuter. Je suis preneur de tout contact qui pourrait dynamiser notre démarche.

Commentaires

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  1. Greg

    le 8 juin 2015

    Belle façon d’amener les choses… après n’étant ni auvergnat, ni expatrié d’Auvergne, je ne me sens pas forcément concerné, mais je salue cette attitude qui consiste à tenter de faire profiter à d’autres de son expérience, mais aussi de donner une chance. Les vraies opportunités sont trop rares de nos jours…

  2. Bruce

    le 30 juillet 2015

    Très belle initiative,
    Haut-savoyard d’origine et parisien (malheureusement) depuis 1 an, je comprends tout à fait l’envie de vouloir rester dans l’endroit rural d’où l’on vient tout en essayant de dynamiser cet endroit. Votre article est très inspirant !
    Ps: ce qui arrive à JV.com est très triste

  3. Antoine

    le 8 août 2015

    Bonne chance pour ton projet,
    de la part d’un ancien lecteur de jv.com

  4. Lightman

    le 8 août 2015

    Merci à tous les trois pour vos encouragements !