De Panini à la généalogie

Le 11 janvier 2020

Ca avait commencé avec l’album Panini du championnat de France de football 1982-83. Sans doute avais-je besoin d’exorciser le cataclysme de la demi-finale perdue de Séville. Si vous me lancez sur ce sujet, je peux vous écrire 20 pages sur la plus belle équipe de France de l’histoire – après celle de Zidane soyons justes. Je pourrais vous parler de l’agression de Schumacher sur Battiston, de Platini qui lui donne la main sur la civière. Je pourrais digresser sur la reprise de volée d’anthologie de Marius Trésor, la joie exaltée de Giresse après son but qui nous envoyait en finale, et puis le retour incroyable des allemands, le pénalty raté de Bossis, la descente aux enfers, les pleurs dans le vestiaire, et enfin le quasi-deuil national qui assombrit la France pendant tout le mois de juillet… Je m’arrête, je vois des jeunes qui commencent à bailler au fond.

Bref, septembre 82, j’attaquais le CM2 et l’album Panini du championnat, avec ses nombreuses vignettes auto-collantes de footballeurs en mini-shorts en nylon, mode de l’époque oblige.
Je n’avais jamais pu terminer cet album, pas assez de vignettes, pas assez de camarades pour échanger les doubles. Pas assez de motivation non plus quand j’avais découvert que Platini n’y figurait pas, en raison de son transfert à la Juventus de Turin pendant l’été, ce que les supporters avaient vécu comme une trahison – que pouvait-il y avoir de mieux que de jouer à Saint-Etienne ? Bref, là a débuté mon goût pour les collections.

Ensuite, vinrent quelques collections éphémères : les images qu’on trouvait à l’intérieur des boîtes de Vache-qui-rit et, comme tout le monde, les pin’s. Au collège, j’étais apprenti philatéliste, je décollais les jolis timbres des courriers reçus par mes parents, afin de compléter un vieil album Yvert & Tellier édité pour le chocolat Cémoi qui avait appartenu à ma mère. Puis, j’étais devenu numismate au contact d’un professeur-collectionneur, et j’avais donc un temps collectionné les pièces de monnaie anciennes. Sans prétention, ma pièce vedette était sans valeur en plus d’être sérieusement érodée, on distinguait à peine l’inscription qui la faisait remonter au second empire.

Plus tard, beaucoup plus tard, aux prémices de jeuxvideo.com, lorsque j’ai lancé l’Encyclopédie des Trucs et Astuces de Jeux Vidéo, je collectionnais cette fois des techniques pour débloquer les joueurs en échec. Puis, lorsque l’entreprise a pris corps, nous avions des armoires entières remplies de boîtes de jeux vidéo. Nous gardions tout : les éditeurs nous envoyaient leurs meilleures productions et nous achetions tous les autres titres. Sous l’oeil perplexe du vendeur de la rue des Carmes qui s’amusait de nous voir acheter les plus mauvaises et les plus introuvables productions vidéoludiques…

Encore plus tard, en lisant des bouquins sur la frugalité, la sobriété, les bienfaits d’une vie simple ne reposant pas sur les possessions matérielles, je me suis interrogé sur le sens de ces collections. A quoi bon alimenter une stratégie d’accumulation qui n’a pas de sens et qui ne rend pas plus heureux ? Je rejoignais la philosophie de la génération Z : l’usage plutôt que la possession, résumée dans cette interrogation : pourquoi acheter une perceuse qui selon les statistiques sert en moyenne huit minutes par an ?

Ensuite, je me suis demandé pourquoi. Qu’est-ce qui fait que je suis attiré par l’idée de collectionner des choses ? J’ai peut-être trouvé la réponse dans un bouquin de biologie. Et si la collectionnite était inscrite dans nos gênes ?
Selon la théorie de l’évolution de Darwin, ce sont les êtres les mieux adaptés à leur environnement qui survivent et transmettent leurs gênes, ce qui conduit à faire évoluer l’espèce.
On peut tout à fait imaginer que certains de nos lointains ancêtres dans leurs cavernes avaient le goût de collectionner la nourriture au-delà de leurs besoins du moment, mais aussi des outils ou des armes en surnombre. Il est plausible de penser que ces ancêtres-collectionneurs aient pu avoir plus de facilité à survivre que les insouciants qui ne stockaient rien. Et de dizaines de générations en dizaines de générations, des mutations génétiques induites ont fait des collectionneurs. Pour une partie de la population du moins, car des insouciants il y en a toujours.
Bref, mon hypothèse est sans doute scientifiquement contestable, mais j’aime penser que le goût de la collection est inscrite dans nos gênes et nous vient du plus profond des âges…

C’est là qu’on arrive à la généalogie. L’avantage de la collection d’ancêtres, c’est que c’est une passion immatérielle. Il est rare qu’un généalogiste étale sa passion dans toute la maison, comme le ferait un tyrosémiophile avec son encombrante collection de boîtes de camemberts. Sans parler de l’odeur ! Et puis, la généalogie c’est aussi un prétexte pour rencontrer des passionnés, dialoguer entre les générations. Elle nous amène assez vite à l’histoire, celle des laboureurs et celle des rois. Au-delà de la patiente collection d’ancêtres, il y a une collection encore plus addictive, c’est celle d’ancêtres connus ou de cousins célèbres. Je m’y suis mis récemment, et certains outils comme Geneastar.org sont tellement faciles d’accès que c’est désormais un jeu d’enfant de se découvrir une parenté avec quelques politiciens ou artistes renommés. Il faudra que je vous parle d’ailleurs de mes cousins célèbres dans un prochain article : des parlementaires cantaliens, deux maires d’Aurillac, des scientifiques, journalistes, écrivains, missionnaires, un compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, des trompettes du roi, deux présidents de la Vème République, un cycliste professionnel, un médaillé aux jeux olympiques de 1924, et même quelques criminels célèbres de sinistre mémoire !

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