Le roman de l'assassinat de Zola

Le 29 octobre 2019

En lisant cet « Assassins » de Jean-Paul Delfino, qui retrace et romance les conditions assez troublantes dans lesquelles Emile Zola s’est éteint, je m’attendais à apprendre beaucoup sur l’auteur de Germinal, que j’avoue avoir bêtement zappé dans ma jeunesse. Il figurait pourtant en bonne position sur la liste des lectures préconisées par ma professeure de français de seconde, mais j’avais préféré Malataverne, Les Misérables, Le Grand Meaulnes, Le Chant du Monde, L’Etranger…

De fait, cet ouvrage n’aborde que marginalement l’oeuvre du célèbre écrivain, mais on apprend de nombreux détails biographiques intéressants : ses origines italiennes difficiles à porter à cette époque, son père qui fut l’architecte du premier barrage à voûte d’Europe permettant l’approvisionnement en eau de la ville d’Aix-en-Provence, son amitié pour l’autre Aixois célèbre Paul Cézanne*, ainsi que sa double vie sentimentale… J’ai adoré replonger dans l’affaire Dreyfus dont Zola fut un des acteurs les plus éminents. J’ai aimé d’autant que la plume est alerte et fort belle. Extrait p.21 :

« Sur le quai des Célestins, encadré par la Seine charriant des flots noirs et la rue de l’Hôtel-de-Ville, le fiacre avançait au petit trot, semblant seul au monde dans les claquements des fers des chevaux sur le pavé. A cette heure, l’île Saint-Louis s’était assoupie entre ses deux bras d’eau. Canne à la main, de rares bourgeois affrontaient le froid précoce apporté par septembre et rentraient chez eux tête basse, engoncés dans des pardessus de laine. »

Mais ce qui m’a le plus fasciné dans ce livre, c’est la façon dont Delfino nous immerge dans la bonne société française, à la charnière des XIXème et XXème siècles, très clivée par l’affaire Dreyfus, et dans laquelle s’épanouissent une ribambelle de groupuscules racistes et antisémites qui font froid dans le dos. Ces personnages peu recommandables disposent de leurs propres organes de presse, et n’hésitent pas à menacer, intimider, comploter, faire le coup de poing, et même à provoquer en duel. Ca semble tellement incroyable vu d’aujourd’hui : sur cet aspect-là de notre société au moins, non ce n’était pas mieux avant. Il suffit de lire quelques journaux de l’époque pour s’en convaincre – y compris le désormais respectable La Croix, qui n’y allait pas de main morte.

Deux étoiles pour cette lecture qui était mon 49ème livre de l’année.
A ce propos, si vous ne le saviez pas déjà, le prochain film de Roman Polanski s’appelle « J’accuse » et sort le 13 novembre, avec Jean Dujardin. A ne pas manquer assurément pour avoir une autre lecture de tous ces événements aussi dramatiques que fascinants.

*Ci-dessus : La Montagne Sainte-Victoire vue depuis Gardanne, par Paul Cézanne

Commentaires

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  1. J’ai adoré « J’accuse » – pissavy|.com

    le 29 novembre 2019

    […] des spectateurs.J’avais vu la bande-annonce, très attirante. Et surtout je sortais du roman de Jean-Paul Delfino sur Emile Zola, qui faisait largement allusion à l’affaire Dreyfus, le sujet du […]