De Mario à Errol Flynn

Le 8 octobre 2019

Il faut relier les points. C’est Steve Jobs qui le dit dans son célèbre discours aux étudiants diplômés de Stanford en 2005. Relier les points, ça veut dire qu’on ne peut comprendre que ce qui s’est déjà produit, qu’il est inutile de tenter de prédire l’avenir. Mais qu’il faut croire en sa destinée, en son karma, et essayer de relier entre eux les différents éléments de notre passé afin de créer notre futur. Et il prend l’exemple du cours de calligraphie qui l’avait passionné durant ses études, dont il n’avait aucune idée qu’il pourrait lui servir un jour. Plus tard, il s’était servi de cette connaissance pour implémenter les esthétiques polices de caractères du Macintosh, à une époque où l’informatique voyait le monde en caractères verts sur fond noir, aussi poétiques qu’un ticket de carte bancaire.
Cette expression « relier les points » est aussi un clin d’oeil à ces petits jeux où les enfants doivent relier entre eux des points numérotés pour faire apparaître un dessin sommaire.

Samedi, j’ai relié les points. D’abord, au sens propre, j’ai relié les 271 points imprimés sur le set de table des Fils à Maman, un restaurant sur le thème des années 80, implanté dans une ancienne chapelle désaffectée d’Aix. De temps en temps, je levais le crayon pour contempler rêveusement la statue de Goldorak, celle de R2-D2, les peluches de Casimir et de Maya l’abeille, la voiture de Starsky & Hutch et celle de Ghostbusters, ainsi que le van de L’agence Tous Risques, les paquets vides de Treets et de Raider, les photos de Dorothée, Kojak, Douchka, Hulk, André Agassi, un vieux minitel poussiéreux, des découpages de magazines sur Indiana Jones, Retour vers le Futur, Deux flics à Miami, Les Bronzés, Albator, La Boum, Joe le Taxi, une grande affiche de Wonderwoman – mon amour de jeunesse, mais encore Mask, Les Maîtres de l’Univers, les raquettes de tennis en bois de Björn Borg, et même la photo de l’équipe de France de football du mundial 82… C’est dans cet environnement outrageusement régressif pour les gens de ma génération, que j’ai donc relié les points un peu mécaniquement, jusqu’au point 241. Et là, c’est le choc, le point n°241 est en double ! Comment est-ce possible ? Cruel dilemme. Faut-il les relier tous les deux au risque de faire apparaître une ligne disgracieuse ? Faut-il au contraire en sauter un ? Oui mais lequel ! « Ahh bordel, appelez-moi le patron ! ». J’ai finalement réussi à terminer le dessin, une sorte de Mario volant, me reliant instantanément à mon passé vidéoludique.

Quelques instants plus tard, j’ai encore relié les points. C’était dans les travées de la FNAC, au rayon Livres bien sûr. Non pas que je sois en pénurie, mais comme on le dit vulgairement des hommes mariés, « ce n’est pas parce qu’on est déjà servis qu’on n’a pas le droit de regarder le menu ». Là je tombe sur La Montre d’Errol Flynn, le dernier roman de François Ceresa. Et ça me rappelle instantanément cette plaque commémorative que j’avais observée longuement en avril dernier. Elle était apposée dans la rue, juste à côté de notre hôtel à Palma, en hommage au célèbre acteur américain qui avait habité ici pendant plusieurs années. Enfin, quand il n’était pas sur son majestueux voilier, le Zaca, en bonne compagnie. Car Wikipedia m’avait appris qu’Errol Flynn était un homme à femmes en plus de ses deux autres addictions connues : le jeu dans les casinos, et l’alcool. Il succombera d’ailleurs à cette dernière, à peine arrivé à la cinquantaine.
Le livre de Ceresa a fait remonter ces souvenirs récents à la surface, et je l’ai acheté, reliant ainsi les points avec cette douce semaine printanière que nous avions passée à Majorque. Je ne l’ai pas encore lu, mais tout le monde le sait, les critiques littéraires sont aussi laborieuses à lire qu’à écrire, et il y déjà plusieurs avis sur Babelio.

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