Les anglais, le lait, les livres

Le 4 juillet 2021

Il pleut ce matin sur la Provence devant nos yeux incrédules. Un 4 juillet, c’est un événement exceptionnel, on a un temps anglais pour toute la matinée. A l’Euro de foot aussi, le temps est anglais, avec la facile victoire de l’Angleterre hier sur l’Ukraine (4-0), ce qui l’expédie en demi-finales du tournoi continental. C’est tout aussi exceptionnel. J’avais pris l’habitude, si l’on excepte la dernière Coupe du Monde, que l’anglais échoue lamentablement bien avant le dernier carré, et se fasse étriller par les tabloïds londoniens dès l’édition du lendemain. Mais cette année, les bookmakers sont presque unanimes, cette équipe va aller au bout. C’est vrai qu’avec une demi-finale et une finale prévues à Wembley dont la capacité a été réhaussée à 60.000 spectateurs faisant fi de toutes les précautions sanitaires, on se dit que tout a été mis en place pour que Harry Kane et ses compatriotes gagnent cette compétition. Pourtant, j’aimerais qu’ils perdent. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce qu’ils sont désormais ultra-favoris ? Ou bien parce qu’ils ont eu des matchs faciles si l’on excepte l’Allemagne (mais que nous avions battue aussi). Ou alors c’est parce que je veux éviter le spectacle lamentable de ces anglais avinés qui fêtent la victoire, eux qui sont plus habitués à noyer leurs défaites. Ou enfin parce que je les rends inconsciemment responsables de cette pluie provençale inattendue.
Quand même, cette équipe est belle, avec une formidable cohésion, des défenseurs solides et très bien organisés qui n’ont encore encaissé aucun but, des attaquants rapides et « en pleine confiance ». Et pourtant j’aimerais qu’ils perdent. Peut-être dès la demi-finale contre le Danemark, disons 1-0, but de Dolberg en seconde mi-temps.

Voilà ce que je me disais ce matin en regardant le carton de lait vide que je venais d’aplatir minutieusement pour gagner de la place dans le sac du recyclage. Sur la plus grande face du carton, il y a un type qui me fixe, il a une doudoune bleue surmontée d’une tête de moine tibétain : c’est Joris, éleveur à la ferme de La Ragotière des Bois (49). Dixit le service marketing d’Intermarché, il me dit « MERCI! ». Sur les autres packs de lait, tout le monde s’en fout de moi, mais lui me dit merci. Ca me touche. J’essuie une petite larme, et j’essaie de chercher Joris sur Facebook pour le remercier de sa gentille attention. Bon, on dirait bien que Joris n’est pas très réseaux sociaux. Et si je créais un groupe Facebook à sa gloire ? C’est bien la moindre des choses. Surtout que ce jeune agriculteur bienveillant existe vraiment, on retrouve son nom et son GAEC sur societe.com…
– Seb, ça va ? Qu’est-ce que tu as à fixer le lait depuis dix minutes ?
– Ben, je bosse là, ça se voit pas ?
C’est toujours pareil dans cette maison, on ne peut jamais se concentrer sur un projet d’importance. Comment voulez-vous que dans ces conditions je redevienne l’entrepreneur génial et admiré de tous que je fus jadis ?

Côté bibliothèque, une entrée et une sortie ces derniers jours.
L’entrée : La Vraie Vie de Gustave Eiffel de Christine Kerdellant suite à un édito de Zemmour qui m’a donné envie.
La sortie : Histoire de la Violence de Edouard Louis. J’avais été emballé par son premier livre Pour en finir avec Eddy Bellegueule. J’ai aussi lu le livre qu’il a consacré à son père et l’autre à sa mère, qui sont des variations agréables sur le même thème du transfuge de classe ayant eu une enfance difficile.
Mais cette Histoire de la Violence semble aller encore plus loin dans le lamento, et le propos est assez confus. Et ce qui n’est pas confus, je le sais déjà en ayant lu les trois autres livres qu’il a publiés. Bref, je ne suis pas rentré dans ce texte, et après moins de 50 pages, j’ai pensé que le livre ferait probablement le bonheur d’un autre lecteur, j’irai donc le déposer dans une boîte à livres dès que les anglais auront ravalé leur pluie.